Jules-Pierre - Chalutier à vapeur
Le « Jules Pierre » était un chalutier à coque acier construit en 1908 sous le nom de « Neptune ». En 1925 il était passé au quartier maritime d’Arcachon et exploité par la société d’armement Cameleyre-Frères. D’une jauge brute de 231,44 tonneaux, il était mu par une machine à vapeur d’une puissance de 450 ch.
La Seconde Guerre Mondiale constitue pour les pêcheurs arcachonnais une rude période. Non pas sur le plan économique car les affaires marchent très bien pour les Pêcheries de l’Océan, la Société de Gérance maritime ou Cameleyre-Frères. Elles font enregistrer onze unités nouvelles entre 1940 et 1942. Enfin, de petites sociétés d’armement ou des armateurs particuliers achètent ou font construire dix-neuf chalutiers, dundees ou sardiniers, entre 1941 et 1943. Par contre, avec les dangers de la guerre, les pêcheurs embarqués sur les chalutiers arcachonnais payent un lourd tribut à la guerre.
La plus grande partie des chalutiers des trois sociétés est réquisitionnée. Quelques unités seulement restent en exploitation pour le ravitaillement de la population. Il convient de rappeler le courage avec lequel les marins arcachonnais ont accompli leur mission journalière, au milieu des mines qui, draguées par le chalut, éclatent souvent pendant le remorquage de l’engin de pêche. Parfois même, ces mines sont remontées dans la poche du filet, masquées par le poisson et vidées avec lui sur le pont. C’est ainsi que près de cent cinquante hommes d’équipage, embarqués sur treize bateaux, disparaissent dans le golfe de Gascogne, entre 1942 et 1944. La Société Cameleyre perd corps et biens, le “Vincent Cameleyre”, le “René Cameleyre”, le “Jules-Pierre” et la “Princesse Marie-José”. Ces deux derniers, bombardés par la RAF ainsi que le bateau de pêche italien “Le Baleina”, allié aux Allemands, qui les accompagne, le 16 janvier 1942. Vingt-six marins arcachonnais disparaissent dans ces naufrages.
Ce bombardement déchaîne la colère de l’abbé de Lanauze, curé de Saint-Ferdinand qui, lors de la cérémonie religieuse, devant de nombreuses personnalités locales et départementales, s’écrie : “Cette odieuse agression des aviateurs de la Royal Air Force, commise en dépit des lois élémentaires d’humanité, plonge aujourd’hui tout un quartier dans l’affliction et laisse trente-quatre orphelins”. Le gouvernement s’empresse d’envoyer une aide financière, tout en fustigeant ce “crime anglo-saxon”.
Il s’agit, en fait, de l’exploitation politique d’un tragique événement. Effectivement, des renseignements de la résistance locale, parvenus à Londres, indiquent une certaine collusion entre des chalutiers réquisitionnés et la marine allemande. Par exemple, le 21 septembre 1940, une lettre de la Société Cameleyre reconnaît que son chalutier le “Vincent-Cameleyre” a prêté son concours au transport d’une partie de l’équipage d’un navire de guerre allemand de la haute mer vers Arcachon. Nouvelle lettre du 25 août 1942, des mêmes, au commandant des troupes d’occupation en France. Ils “demandent une faveur, eu égard à notre action vis à vis des autorités occupantes depuis le début de leur séjour (!) en France, puisque nous collaborons en leur fournissant des conserves de poissons ou de sardines, du poisson frais ou fumé, destinés à la marine, (…) en réparant les navires de guerre allemands”.
S’il avait connu la vérité, le curé de Saint-Ferdinand aurait peut-être alors, plutôt qu’un seul des belligérants, condamné la guerre.
Sources :
HTBA Histoire et traditions du bassin d’Arcachon
Jean Dubroca et Michel Boyé
https://htba.fr/chronique-n-130-de-la-peche-en-eaux-troubles/