Escadrille 17S - Escadrille aviation maritime
L’Aéronautique navale est présente aux Antilles depuis 1935. À la déclaration de guerre, il existe dans l’avant-port de Fort-de-France en Martinique, au lieu-dit « Les Tourelles », une petite hydrobase armée d’une section de surveillance équipée de quatre Gourdou-Leseurre 812 et placée sous les ordres de l'EV1 Pierre Evin. À partir du 1er septembre, les Gourdou entreprennent des vols de patrouille et d'escorte des navires arrivant et partant de Fort-de-France. En Guadeloupe, les secteurs à surveiller sont plus nombreux et les Saintes, la Désirade et Marie-Galante sont également l'objet de missions ponctuelles.
Le 17 octobre, la section est élevée au rang d'escadrille, elle prend l'appellation 8S2 et l’EV1 Evin en devient le commandant en titre. Le 17 novembre, l'escadrille perd son premier appareil. Le Gourdou 811 n° 44 est accidenté lors d’un amerrissage aux Saintes. L’équipage est indemne mais, par manque de moyens locaux, il ne peut être remorqué et finit par chavirer et couler. Le 31 décembre 1939, c’est au tour du Gourdou 813 n° 70 d’être endommagé à Fort-de-France. Jugé irréparable localement, il est condamné quelques semaines plus tard. C’est avec deux appareils seulement que la 8S2 débute l'année 1940. Heureusement la relève est annoncée et, le 24 janvier, le cargo Sèvres arrive de Saint-Nazaire avec à son bord les Loire 130 « coloniaux » n° 13, 14, 18, 19, 20 et 21.
Le lendemain 25, les caisses sont déchargées à l’hydrobase où le montage commence. Le 7 février, le Loire n° 13 fait son premier point fixe suivi de son premier vol réalisé par le LV Evin (qui a été promu le 1er janvier) et effectue sa première mission le 12. Dans le courant du mois, les Loire n° 14, 18 et 19 sont montés, testés, et mis en service. Ce qui représente une belle performance car la BAN de Fort-de-France ne dispose même pas de grue… Les Loire n° 20 et 21 suivent dans les premiers jours de mars. À la fin du mois, les hydravions reçoivent la codification suivante : n° 13, 8S2.5 - n° 14, 8S2.2 - n° 18, 8S2.3 - n° 19, 8S2.4 - n° 20, 8S2.6 et n° 21, 8S2.1.
Les mois d’avril et de mai sont plus calmes, des missions de surveillance en Martinique sont enregistrées avec quelques déplacements en Guadeloupe. Le 4 mai 1940, le LV Evin, désigné pour servir en métropole, est remplacé par le LV Casimir Périé. Jusqu'à l’entrée en vigueur de l'armistice, la 8S2 va encore mener de nombreuses missions de surveillance et de protection du trafic maritime. Dans un premier temps, l'annonce de la cessation des combats en métropole met un coup d’arrêt aux activités mais, dès le 3 juillet, elles reprennent. Cependant, l'ennemi n’est plus le même et ce sont maintenant les navires britanniques qui font l’objet de la surveillance des Loire 130 de la 8S2…
Le 1er août, l’escadrille est rebaptisée 17S. Les numéros de rang des appareils ne changent pas. En août également, les réservistes sont démobilisés et, se trouvant en sous-effectif, l’escadrille ne peut plus armer que trois appareils. De plus, malgré l’éloignement de la métropole, les contraintes imposées par les armistices sont respectées. L’activité aérienne s’en ressent et diminue. Les carnets de vol ne font plus état que de quatre ou cinq vols par équipage et par mois ! En octobre, un regain d’activité est enregistré. Le 8, les Loire n° 13 et 18 se rendent à Pointe-à-Pitre et sont mis aux ordres du commandant de la Jeanne d’Arc. Le 10, ce sont la Désirade et Marie-Galante qui sont visitées, puis de nouveau Antigua le 11. Les deux Loire demeurent à Pointe-à-Pitre pendant tout le mois et ne rentrent à Fort-de-France que le 31.
La torpeur qui semble s’être emparée de la 17S va être secouée par un événement. Le 7 février au matin, trois hommes s’emparent du Loire n° 13 (17S.5), décollent devant le reste du personnel de l’escadrille médusé et, quelques instants plus tard se posent à Sainte-Lucie qui n’est qu’à 25 milles de la Martinique. Les trois évadés, le SM pilote Emile Poplimont et les QM radio volants François Cornec et André Milon ont bien préparé leur départ. Profitant des préparatifs d’un vol d’entraînement, ils se sont arrangés, par divers stratagèmes, pour se retrouver seuls dans l’hydravion au moment de sa mise à l’eau par le slip. Une fois le Loire arrivé à la bouée d’attente, le moteur est mis en route, le pilote met plein gaz pour faire tourner l’appareil sur l’axe de décollage et prend son envol. Dès le démarrage du moteur, l’EV1 Max Salmon, officier en second de la 17S, saute dans une vedette mais arrive trop tard pour empêcher le décollage. Prévenu par téléphone, le LV Périé se rend à la BAN, fait armer les Loire n° 20 et 21 qui décollent pour reconnaître Sainte Lucie, destination probable de l’hydravion évadé. Arrivés sur place Périé, et ses équipages se rendent à l’évidence, le Loire 130 n° 13 est amarré à un coffre dans le port de Castries, capitale de l’île. Sainte Lucie étant possession britannique, il n’est pas question d’intervenir et les deux hydravions rentrent à Fort-de-France.
Malgré ces événements dramatiques, les activités de la 17S, réduite maintenant à quatre appareils, continuent mais non sans mal. En effet, depuis l’arrivée à Fort-de-France des Loire 130 en janvier 1940, aucun matériel de rechange n’est parvenu de la métropole et les mécaniciens et arrimeurs doivent faire des prodiges pour maintenir les hydravions en état de vol. Afin d’économiser le faible potentiel restant des Loire, l’escadrille remet en service le Gourdou-Leseurre 812 n° 77, inutilisé depuis plus d’un an. Pratiquement dépourvu de toute valeur militaire, cet hydravion ne sert qu’au maintien d’une certaine activité aéronautique et à de rares missions de surveillance autour de la Martinique. Malgré ses moyens limités, la 17S essaie également de maintenir au moins une liaison aérienne mensuelle avec la Guadeloupe. L’année 1943 débute sous des auspices encore plus moroses. Le 8 novembre 1942 les Alliés ont débarqué en Afrique du Nord et, dans les semaines qui suivent, la quasi-totalité des possessions françaises rallie la cause des Alliés. Mais aux Antilles, l’amiral Robert, haut commissaire du Gouvernement de l’Etat français, reste ferme sur ses positions et ne reconnaît que l’autorité de Vichy.
Le 26 mars 1943, exaspéré par l’entêtement de l’amiral Robert, le gouvernement américain rompt toute relation avec lui et décrète un blocus total des Antilles françaises. Cette décision provoque un léger regain d’activité pour les hydravions de la 17S dans les premiers jours d’avril mais il se limite à l’organisation de quelques patrouilles supplémentaires autour de la Martinique.
À la 17S, les choses évoluent aussi, du moins pour le personnel. Le 31 juillet, le LV Lainez qui, arguant du serment de fidélité fait au maréchal Pétain, refuse de reconnaître l’autorité d’Alger. Il est démis de son commandement et remplacé par le LV Robert Châtel. Pour le matériel par contre, rien ne bouge. À l’aide des Loire n° 14 et 18, l’escadrille assure encore un service plus que symbolique. Le 15 août, le CV Bénech, nouveau commandant de la Marine aux Antilles, écrit à l’amiral américain qui commande le Naval District 10 pour lui demander la livraison de matériels neufs, parmi lesquels six hydravions de surveillance afin de renouveler le parc de la 17S, mais la réponse américaine laisse peu d’espoir
Le 17 septembre, le Mt Armand Hoffer à bord du Loire n° 14 (17S.2) décolle pour un vol d’essai après révision du moteur. Après 40 minutes de vol, une baisse de régime suivie d’un arrêt complet ne laissent d’autre solution à Hoffer que d’amerrir droit devant lui. Le choc avec les vagues est rude et provoque l’arrachement d’un ballonnet d’aile. L’équipage, indemne, évacue puis est récupéré par une embarcation de pêche. Le Loire, une aile à moitié immergée, est en piteux état et l’EV1 Salmon, chef de bord de l’appareil, décide de hâter le chavirement en crevant l’entoilage de l’aile. L’hydravion se mâte puis finit par couler.
Le 22 septembre 1943, à la suite de cet incident, le CV Bénech, commandant la Marine aux Antilles, interdit tout vol sur Loire 130 « matériel antique ayant atteint l’extrême limite d’utilisation ». La condamnation administrative des deux derniers Loire intervient le 13 novembre. Grâce aux deux Gourdou-Leseurre 812 et 832, appareils pourtant beaucoup plus anciens que les Loire, la 17S, devenue 3S à la fin de 1943, va survivre jusqu’au mois de juin 1944, date de sa dissolution.