Frédéric Le Mouillour Mémorial national des marins morts pour la France
 
 
 
 

Le nom du marin commence par :

Jean Louis Joseph Pirois

est né le 20 octobre 1919 à Saint-Suliac (Ille-et-Vilaine (35))

La famille Pirois est originaire de Saint-Suliac, magnifique village établi sur la rive droite de la Rance, à proximité de Saint-Malo. Tournée vers la mer, la région a de tous temps fourni nombre de navigants à toutes les marines.

Jean-Louis Pirois, le père de Jean, sert au commerce et obtiendra le brevet de capitaine marine marchande. De par son métier, il est souvent absent, mais son épouse, Marie Françoise, née Macé, veille attentivement à leur progéniture qui comprendra six enfants : Jean, l’aîné eut en effet trois sœurs (Marie-Jeanne, Germaine, Madeleine) et deux frères (Roger, Emile).

Après avoir suivi jusqu’à ses seize ans à Saint-Suliac le cursus scolaire classique pour l’époque, Jean entre, avec l’accord de ses parents, à l’"École des Mousses" le 5 octobre 1935.

Cette école qui a pour vocation de former les futurs cadres de la maistrance dont la Marine nationale a un besoin impératif pour ses navires de guerre, est alors établie sur le bâtiment "Armorique" ancré en rade de Brest.

Après une courte période d’environ 4 mois destinée à tester les qualités intrinsèques des candidats, Jean devient apprenti marin le 7 février 1936. Le 1er octobre de la même année, ayant satisfait aux tests sanctionnant cette première période d’un an de formation générale, il est promu au grade de quartier-maître de 2e classe et peut alors aborder la formation de spécialité qu’il a choisie : celle de manœuvrier, avec toutefois dans l’idée de s’orienter plus à fond dans le domaine de la navigation.

Il se trouve que la formation de base de manœuvrier est délivrée, aussi, sur l’"Armorique". Elle dure environ quatre mois, et, à l’issue, le 1er avril 1937, Jean obtient le brevet élémentaire correspondant. Ayant été remarqué pour ses capacités dans le domaine nautique, il est orienté vers une spécialité prestigieuse : celle de pilote de la Flotte dont l’école est établie à Saint- Servan, commune proche de Saint-Suliac.

De ce fait, il embarque alors, et pour deux ans de formation, sur l’aviso "Ancre" qui, avec les élèves, "brique" été comme hiver les côtes de France afin qu’ils en connaissent le moindre caillou ainsi que la forme que revêtent les atterrages en toutes circonstances. Mais au demeurant, le sens marin, la mer, les courants, le vent, la manœuvre, tous ces "fondamentaux" cela commence par s’apprendre, même de nos jours, sur des voiliers, comme par exemple ce dundée breton, le "Mutin" que connaîtront tous ces hommes.

Durant cette période qui aurait pu n’être qu’heureuse, en dépit des exigences liées à la formation de marin, Jean apprend, le 21 décembre 1938, le décès brutal de son père survenu en mer, au large du cap Finistère, alors qu’il servait comme second d’un cargo de la "Compagnie des Bateaux à Vapeur du Nord".

En juin 1939, l’"Ancre", fatigué, est remplacé par un autre aviso, le "Chamois", qui ne naviguera malheureusement au profit de l’établissement que quelques mois, car la guerre est proche …

Et en septembre 1939, l’école ferme en urgence : les précieux documents et carnets de navigation établis avec méticulosité durant tant d’années sont mis en sûreté ou détruits pour ne pas servir à l’ennemi. Les élèves, qui auraient dû constituer la promotion 1941 des pilotes de la Flotte, sont répartis dans différentes affectations. Pour Jean, ce sera l’aviso-dragueur "Commandant Duboc", un bâtiment qui vient d’être admis au service actif.

Placé sous les ordres de l’Amiral-ouest, l’aviso effectuera alors des patrouilles le long des côtes d’Espagne, où sévit la guerre civile, ainsi que des escortes de convois du côté du Maroc et du détroit de Gibraltar.

Puis, lors de l’évacuation de Brest, le 19 juin1940, le "Commandant Duboc" reçoit l’ordre d’escorter les navires recueillant les dernières troupes rassemblées à Camaret, au Trez-Hir (Plougonvelin) et au Conquet. Le "Mutin", qui servait comme bâtiment de servitude à la "Direction du Port de Brest", fait d’ailleurs partie de ce contingent qui ralliera avec de nombreuses autres embarcations la baie de Lampaul à Ouessant, avant que toute cette flottille quelque peu disparate ne rallie l’Angleterre sous la protection de l’aviso et n’arrive à Plymouth le lendemain.

Mais le 3 juillet 1940 (date du drame de Mers-el-Kébir) les bâtiments français qui ont rallié l’Angleterre sont saisis de vive force par les autorités militaires locales ; le "Commandant Duboc", pas plus que le "Mutin" d’ailleurs, n’y échappe, mais il semblerait que Jean Pirois, au moment où cela s’est produit, avait déjà débarqué de l’aviso et fait le choix de continuer le combat en s’engageant dans la Royal Navy.

Sous le pseudonyme de "John Brooks", il signe un contrat "for the period of the present emergency", c’est-à-dire "pour la durée de la guerre", à "H.M.S. Drake" (caserne marine équivalente, en France, à un dépôt des équipages de la Flotte) située à Devonport, dans la base navale de Plymouth.

Après une période indispensable d’intégration, il est désigné pour "H.M.S.  Forte IV", l’un des centres de déploiement des vedettes rapides de la Royal Navy établi à Falmouth (Cornouaille anglaise). Ces embarcations, les M.T.B. (Motor Torpedo Boats) et M.G.B. (Motor Gun Boats) effectuaient des raids en Manche et sur les côtes françaises, en particulier au profit du "S.O.E." (Special Operations Executive), service secret ayant pour mission principale de transporter des agents et du matériel à des fins de soutien à la Résistance dans les zones d’occupation ennemies, ainsi que d’organiser le cas échéant des opérations d’exfiltration de combattants alliés).

Jean (John) qui avait une connaissance approfondie de la côte française, et tout particulièrement de Saint-Malo au cap Fréhel, effectuera de nombreuses missions de ce type en passant d’une vedette à l’autre. Toutefois, et il le confiera à Yves Le Marc, l’un de ses camarades de cours à Saint-Servan, resté lui aussi en Angleterre, "il trouvait dur de venir si près du pays et d’être obligé de repartir". Sa famille lui manquait terriblement.

Mais ces vedettes du "S.O.E." étaient des embarcations relativement légères avec une coque fragile pour des opérations en Manche. Elles pouvaient certes atteindre la vitesse de 40 nœuds (on les surnommait les "Spitfires of the sea") mais n’étaient plus vraiment opérationnelles dès que la mer était un peu formée, et leur allure peu discrète les condamnait pratiquement à des missions de nuit. Aussi, un officier de réserve de la Royal Navy, Gerry Holdsworth, excellent marin et un peu aventurier eut l’idée de constituer une petite flottille de bâtiments, principalement de solides bateaux de pêche, pour effectuer, en toute discrétion, le même type de missions à partir de la Cornouaille anglaise. Et comme sa famille possédait une résidence secondaire dans la ria de Helford River dont l’estuaire échancre la côte au sud de Falmouth, cette villa de Ridifarne deviendra un quartier général, on ne peut plus discret, pour des agents très spéciaux de "Sa Majesté".

Toujours à l’affût pour améliorer l’efficacité de son "escadrille", Holdsworth repéra dans un coin du port de Plymouth un cotre à tapecul français qui avait été saisi en juillet 1940, le "Mutin".

Immédiatement, ce dundée, qu’on pouvait facilement regréer en thonier, lui plait : il y a peu de chance que les Allemands lui trouvent une allure de bateau espion, et il fait tout pour lui donner une nouvelle jeunesse.

Son moteur est poussif : il le fait changer par un moteur bien plus puissant ; ses équipements radios ne sont pas à la hauteur des missions qu’on veut lui confier : il les fait remplacer et disposer des antennes masquées dans les haubans, destinées à permettre l’émission de messages leurres pouvant laisser croire à ceux qui les interceptaient qu’ils avaient affaire à un avion et non à un navire. Pour qu’il soit vraiment pris pour un bateau de pêche, des thons en matière plastique sont mis à "sécher" sur des filières, et l’équipage porte ces cirés et suroîts jaunes si caractéristiques à l’époque des pêcheurs bretons. Enfin, on le repeint, car il faut bien l’entretenir, mais ensuite on vieillit artificiellement sa livrée.

Et surtout, pour la navigation, il fait embarquer à son bord John Brooks (Jean Pirois) dont on lui a vanté de "H.M.S. Forte IV" les compétences nautiques et l’engagement de combattant.

Au printemps 1941, le "Mutin" ainsi révisé effectue ses essais et complète la formation des sept hommes de son équipage, dont "ce" seul français dont on se méfie quand même un peu au début, entre Dartmouth et les îles Scilly. Dès le mois de juin, il commence à effectuer ses premières missions opérationnelles à destination des côtes de France, mais malheureusement, le 15, et c’est un comble, au cours d’une sortie d’entraînement, il est repéré par des avions allemands au moment où il approche de sa base vie.

Toutes les précautions qu’avait prises Holdsworth pour que le bateau ne soit pas considéré comme un bâtiment suspect s’avèrent vaines ; les Allemands savent bien que les navires armés à la pêche pourvoient pour une part non négligeable à l’approvisionnement des pays en guerre, mais, aussi qu’ils concourent au renseignement.

Le "Mutin" est mitraillé sans état d’âme ; Jean qui est à ce moment-là à la barre est atteint par une balle qui lui traverse la cuisse. Il est conduit le plus rapidement possible à l’hôpital de Falmouth, mais ayant perdu beaucoup de sang, décède peu après.

Il sera provisoirement inhumé au cimetière de Falmouth le 19 juin 1941, et l’on dit que l’extrémité du mât du "Mutin" (la fusée) qui avait été abattue dans l’attaque fut récupérée pour lui servir de croix.

Pour avoir "donné sa vie en luttant contre la tyrannie", un témoignage de reconnaissance lui sera remis au nom du roi Georges VI, et la Defense Medal 1939-1945, complétée par la War Medal 1939 to 1945, cette dernière étant réservée aux "actes de bravoure et de dévouement sous le feu de l’ennemi", lui seront décernées.

En son honneur, ses camarades de combat britanniques ont voulu rebaptiser le "Mutin" en "Jean Piron", avec cette petite erreur sur son nom qui n’entache en rien l’amitié qu’ils avaient fini par lui porter, car ils ne connaissaient que John Brooks.

Sachant que les missions auxquelles il participait étaient très périlleuses, Jean avait préparé une lettre à destination de sa famille et l’avait confiée à une amie britannique en lui demandant de la faire parvenir à Saint-Suliac s’il lui arrivait malheur. Elle ne manqua pas à cette promesse et la remis au capitaine d’un navire français qui devait traverser la Manche, mais ce navire n’atteindra jamais la côte française !

La maman de Jean n’apprit le décès de son fils qu’en novembre 1944, et ce décès ne fut reconnu, par décision de justice, que le 20 novembre 1946. Pendant toute cette période, il était considéré officiellement comme déserteur, lui qui n’avait jamais cessé de se battre pour la liberté et avait donné sa vie pour la patrie.

Sa dépouille sera rapatriée et enterrée à Saint-Suliac le 21 janvier 1949, et il sera enfin cité le 4 février 1952 en ces termes à l’ordre du corps d’armée :

"Tombé glorieusement pour la France à son poste de combat".

Le nom de Jean Pirois est inscrit sur le Monument aux Morts de Saint-Suliac, pays où il est né, ainsi que sur le Monument commémoratif de la Résistance de Saint-Malo.

Enfin, pour qu’on n’oublie pas le rôle de ces combattants de l’ombre, une plaque commémorative à la gloire des agents du "S.O.E." est apposée sur une jetée de ce qui est de nos jours "Port Pendennis Marina", zone du port de Falmouth dont partaient les "Spitfires of the sea" ("H.M.S Forte IV").

Il était Quartier-maître de 1re classe.
Son unité : Mutin
  • Médaille Militaire
  • Croix de Guerre 39-45 avec étoile (s)
  • Médaille War-1939-1945-GB
  • Defence Medal (GB)
  • Citation à l'Ordre du Corps d'Armée
Il est décédé le 15 juin 1941.
Son corps repose au cimetière de Saint-Suliac (35)
Son décès est inscrit à la commune de Saint-Suliac (35)
Document portant la mention MPLF : Acte de décès
  • Service Historique de la Défense
  • Amicale des pilotes de la Flotte

        « Mutin » (Patrice L’Hour – Olivier Mélennec)

Mutin

MutinFranois-Olivier-Corman

Le Mutin est un navire-école commandé aux chantiers Florimond Guignardeau aux Sables d’Olonne en novembre 1926. Bien que dénommé cotre, le Mutin est identique aux thoniers dundee sablais de l’époque auxquels il emprunte le gréement. Construit pour remplacer les cotres Mutin et Railleur, de trop petite capacité de logement, le Mutin...

Mutin
184414
Pirois
Saint-Suliac
Ille-et-Vilaine (35)
20 octobre 1919
HE
NULL
Il a été décoré : Citation à l'Ordre du Corps d'Armée,Croix de Guerre 39-45 avec étoile (s),Defence Medal (GB),Médaille Militaire,Médaille War-1939-1945-GB
Acte de décès 1946/47
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