Frédéric Le Mouillour Mémorial national des marins morts pour la France
 
 
 
 

Le nom du marin commence par :

Paul Julien Urbain Boyer

est né le 13 février 1862 à Rognes (Bouches-du-Rhône (13))

Le patronyme Boyer, qui désigne un bouvier, est particulièrement répandu dans le grand sud et en Haute-Loire. Le père du nouveau-né, Jean Baptiste, 42 ans, est alors propriétaire agriculteur à Rognes, sa mère, Fortuna Gautier, 37 ans s’occupe de leurs enfants. Avant Paul, dernier de la fratrie, sont nés Clotilde Apolline, en 1848, qui se mariera à Paris IXème en 1882, Jules Théodore, en 1851, qui n’atteindra pas sa première année, Marie Joséphine, en 1854, Louis Joseph, en 1856, marié à Marseille en 1881, et André, en 1860, qui ne vivra pas. Après la douleur de ce second deuil, la naissance du petit Paul réjouit la famille.

La commune de Rognes, située à une vingtaine de km d’Aix-en-Provence à l’est, et de Salon-de-Provence, à l’ouest, est distante de Marseille de 45km. Cette commune essentiellement rurale, sans doute habitée dès l’âge de fer, et dont la pierre a été exploitée dès le moyen-âge, est aujourd’hui encore connue pour la qualité de sa truffe et des produits de son terroir. Lorsqu’est né Paul Boyer, la population était d’environ 1500 habitants, pour une superficie de presque 60km2, population qui a plus que triplé en 160 ans, du fait de la rurbanisation.

La famille Boyer s’est-elle consacrée à la culture des truffes, ou cultivait-elle des vignes ? Sans doute a-t-elle, comme tant d’autres, été victime du phylloxera qui a ravagé la région, et contraint bien des agriculteurs à migrer vers la grande ville. La famille n’apparaît pas en effet parmi les habitants de la commune au recensement de 1872, qui a suivi de près le phylloxera, alors qu’elle y figure en bonne place en 1866.

Le petit Paul n’a donc pas longtemps profité des forêts immenses, où chênes et pins vivent en harmonie, ni de la vue superbe que l’on a du haut du plateau. Sans doute a-t-il débuté sa scolarité dans sa commune natale, chez les frères des écoles chrétiennes, école financée par une demoiselle de la commune, sans parents proches. Ancienne enseignante à Marseille, elle souhaitait assurer l’éducation de ses concitoyens.

Cependant, Paul devait avoir à peu près 8 ans quand il a quitté Rognes. On peut donc penser qu’il a effectué la plus grande partie de sa scolarité à Marseille, car on l’y retrouve au 26 boulevard Pardigon, dans le 4ème arrondissement, lors du recensement de 1876. Il y réside avec son père, garde particulier, et son frère Louis-Joseph. Sa maman est décédée au mois de juin de la même année, alors qu’elle visitait sa fille aînée, domiciliée dans le quartier de la Belle de Mai, une grande douleur pour la famille déjà éprouvée par le déracinement.

Mais Paul est jeune, Marseille cosmopolite et animée. Première ville de l’Antiquité, c’est aussi le premier port français, remarquablement situé sur la Méditerranée, au carrefour de l’Europe du sud, de l’Afrique, de l’Orient. A cette époque, l’économie de la ville est basée sur le négoce et l’industrie, huiles, savonneries, chimie…

Le jeune homme est d’abord ferblantier, sans doute pour l’industrie, puis, peut-être à l’instar du Marius de Pagnol, attiré par le grand large, le 23 mars 1881 il s’engage pour 5 ans dans la Marine nationale et est incorporé le 28 mars comme ouvrier mécanicien de 3ème classe, avant de passer seconde classe en juillet 1882. Du 1er mai 1881 au 1er juillet de l’année suivante, il est inscrit au rôle d’équipage du cuirassé ″Amiral Duperré‶. Ce navire, qui fera partie de l’"Escadre de Méditerranée", effectue ses essais en mer et sera mis en service l’année suivante. Pendant la période qui suit, Paul effectuera des missions diverses dans le cadre de la division de Toulon, plus généralement à terre.

Le cadre familial rassurant a disparu : ses parents sont tous les deux décédés, son frère et sa sœur ont leur propre foyer.

Mais Paul ne va pas tarder à créer le sien. Il a rencontré une charmante jeune fille de 5 ans sa cadette, Marie Autheman, née à Miramas, et domiciliée chez ses parents boulevard bonnes grâces, dans le quartier de la Belle de mai où lui aussi réside désormais.

Ils se marient le 27 mai 1884. Paul, mécanicien, a 22 ans, Marie vient d’en avoir 17.

A l’issue de son engagement de 5 ans, Paul quitte définitivement la marine nationale, spécialité chaudronnier en fer (brevet délivré à Paris le 14/09/1896),  et bascule dans la réserve active, où il accomplira régulièrement des périodes d’instruction. Il est inscrit maritime définitif au quartier de Marseille le 19 octobre 1889.

En 1887, Paul et Marie, désormais domiciliés à Istres, qui s’industrialise, ont la joie d’accueillir Louise Stéphanie Henriette, leur premier enfant. Lorsque leur naît le second, Victor Gustave Alphonse, le 5 novembre 1889, ils habitent de nouveau à Marseille, rue Gourjon, dans le deuxième arrondissement : ils se rapprochent du port.

A cette époque, Paul vient de terminer un premier embarquement de deux semaines, comme chauffeur à bord du vapeur "Abd-el-Kader", appartenant à la Compagnie générale transatlantique. Dirigée par les frères Pereire, elle a un siège à Marseille, et effectue du cabotage en Méditerranée. Suivront le vapeur "Meuse", pour 3 mois, le vapeur "Circassie", pour deux mois et demi, le vapeur "Maréchal Bugeaud" pour une durée identique, puis le vapeur "Les Vosges".

Dès la fin de 1890, il va embarquer pour des durées plus longues, et sans doute aussi pour des parcours plus longs. Ce sera d’abord le vapeur "Ville de Naples", d’octobre 1890 à novembre 1894, pour des durées allant de 3 à 11 mois, avec un bref temps de pause à Marseille entre deux embarquements. Ce vapeur, également qualifié de paquebot, et qui sera le ravitailleur de l’Armée d’Orient durant la Première guerre mondiale semble avoir transporté tant passagers que marchandises sur les rives de la Méditerranée. Il embarquera ensuite à bord du "Général Chanzy", ainsi baptisé en hommage au Gouverneur général d’Alger. Mis à l’eau en 1891, ce paquebot avait été conçu pour joindre Alger en 24heures, au départ de Marseille. Nombreuses et régulières, ces traversées accueillaient également à leur bord des personnalités françaises et étrangères, dont le ministre Emile Combes, que Paul a peut-être eu l’occasion de côtoyer.

Suivront le "Ville de Barcelone", et le vapeur "Ajaccio",  qui assure la liaison entre Marseille, la Corse, et l’Afrique du nord. Ce sont les derniers embarquements que Paul Boyer effectuera à partir de Marseille, et pour la Compagnie générale transatlantique.

Le 1er janvier 1897, il embarque en effet comme mécanicien cette fois, à bord du vapeur "Breton", qui appartient à la Compagnie Schiaffino.

Les côtes de l’Algérie ont une orientation est-ouest, des côtes rectilignes ouvertes à tous les vents et peu de baies profondes. La navigation côtière y a cependant existé très tôt, dès l’Antiquité (les Phéniciens y avaient établi des comptoirs tous les 30km), parce que le relief accidenté ne permet pas la circulation par l’intérieur des terres.

Le nom de Jacques Schiaffino apparaît dès la première moitié du 19e siècle dans l’histoire maritime algérienne : armateur de balancelles, navires à fond plat et voiles latines, il parvient à transmettre à l’ambassadeur de France la nouvelle du «coup de l’éventail». En 1874, ses petits-fils fondent la Société «Schiaffino et frères» qui se consacre au cabotage côtier. La société fusionne par la suite avec l’armement Franceschi, puis l’armement A chaque. En 1897, la nouvelle société absorbe la Société des Lignes Côtières, et devient la Société de Navigation Côtière Algérienne, propriétaire d’une bonne dizaine de navires. Ces activités sont multiples, du transport de passagers au transport de marchandises. Le phylloxera en métropole entraîne le départ pour Alger de nombreux vignerons qui vont développer la culture de la vigne et augmenter la production viticole.

Après ce premier embarquement comme mécanicien il en accomplira bien d’autres, à bord du "France Chérie", puis du vapeur "Lucile", du "Ville de Dellys", du vapeur "Electricien", puis du "Pauline H". Tous ont Alger, second port de France, pour port d’attache.

Au début du 20ème siècle, les vapeurs, de plus en plus légers, ont presque remplacé les voiliers en matière de cabotage, et le volume de marchandises transportées a doublé, contribuant ainsi au développement de l’Algérie : produits agricoles, matériaux nécessaires à la construction de nouvelles habitations, passagers, transitent par ce moyen de port en port le long des côtes algériennes.

Ils assurent également la liaison avec le continent européen, livrant en métropole le vin produit en Algérie, mais aussi la pêche, à Marseille notamment, qui reçoit des sardines algériennes, et bien sûr permettant le déplacement de passagers venant de métropole mais aussi d’Italie ou d’Espagne.

La famille Boyer a sans doute quitté la métropole pour s’installer à Alger après le premier embarquement pour la Compagnie Schiaffino.

Le troisième et dernier enfant de Paul et Marie, prénommé Célestin Paul Justin, naîtra en effet à la maternité de Mustapha, quartier d’Alger, le 8 août 1899.

Comme le mentionne le registre d’état-civil, Paul Boyer est absent lors de la naissance de son fils. Depuis le 24 avril il navigue en tant que chef-mécanicien à bord de l’"Abeille n°4", vapeur à remorque dont il ne débarquera que 8 mois plus tard, pour réembarquer presqu’aussitôt pour une mission de plus de 10 mois. Les remorquages étaient payants, et la rivalité était vive entre les compagnies, qui se tenaient toujours prêtes à intervenir, Après une parenthèse d’un mois à bord du vapeur "Mickaël", il embarque de nouveau à bord de l’"Abeille", pour une nouvelle période de 18 mois, et débarquera le 10 juin 1902.

Il bénéficiera ensuite de 2 mois de congés, avant de reprendre la mer pour deux semaines de navigation côtière à bord de l’"Audax", qu’il retrouvera en octobre 1904 pour une période de 7 mois. Après un temps de repos bien mérité, il reprend la mer le 19 mai 1906, à bord du vapeur "Robur", pour plus de 10 mois, puis, le 16 juillet 1907, embarque à bord du vapeur "Alger" pour deux embarquements consécutifs, suivis de deux embarquements à bord du "Phocéen", avant de retrouver l’Alger, puis à nouveau le "Phocéen", dont il débarquera le 12 août 1910. A cette période, les embarquements se succèdent sans interruption, "Mariette", "Breton", "Saint-Joseph" "Algérie", pour ce dernier du 12 mars 1910 au 13 septembre 1912.

Il est toutefois noté présent à Alger au mariage de ses deux aînés, Victor – engagé pour 5 ans dans la Marine nationale - le 14 mai 1910, avec Emilie Hinderzé, et Louise, le 18 février 1911, avec Henri Sigaudès. Les témoins, uniquement d’origine européenne ou métropolitaine habitent la capitale où ils sont marins mécaniciens, commerçants, négociants, instituteurs, constructeurs… Aucune des femmes n’a de profession déclarée. Les témoins des enfants Boyer font partie du cercle amical, ceux de leurs conjoints respectifs, nés à Alger, font également partie de la parentèle.

En février 1912, Paul Boyer devient demi-soldier. Agé de 50 ans, il a effectué 25 ans de service, ce qui lui donne droit à une pension. Celle-ci n’est sans doute pas suffisante pour faire vivre sa famille, puisqu’il continue les embarquements, tout d’abord pour deux mois à bord du petit vapeur "Saint-Rémy", qui effectue des liaisons régulières entre les différents ports algériens, en tant que mécanicien.

En 1912, la compagnie Schiaffino, qui poursuit son développement, a acquis deux nouveaux navires, le "Finistère", puis le "Vulcanus".

Avec ses 75 m de long et sa portée de 2500 tonnes, ce dernier est de loin le plus important des vapeurs de la compagnie, et doit être affecté au transport des phosphates entre Tunis, Bône, Alger, et Oran.

Dès le 14 novembre 1912, 3 jours après avoir quitté le "Saint-Rémy" Paul Boyer embarque à bord du "Vulcanus" comme mécanicien pour une première période de 4 mois et 12 jours, puis, le 5 mai 1913 à bord du vapeur "Finistère" pour deux courtes périodes consécutives, comme mécanicien puis comme second . Ce navire de 700 tonnes « confortablement aménagé pour passagers », est destiné à desservir la côte est, à la vitesse de 12 nœuds. Selon l’annonce du journal Le Sémaphore algérien, il effectue un départ d’Alger tous les lundis.

Après 7 mois comme chef mécanicien à bord du vapeur "Aurore", Paul retrouve en février 1914 le "Vulcanus" pour 4 périodes consécutives. Lorsque la première s’achève, la première guerre mondiale vient d’être déclarée. En tant que demi-soldier, Paul ne peut plus être mobilisé sur les zones de conflit. Cependant, le ravitaillement est plus que jamais nécessaire, et les déplacements souvent périlleux. Par ailleurs, certains navires marchands sont réquisitionnés et armés par la marine. Ce sera le cas du "Vulcanus" considéré comme bâtiment armé en guerre à partir du 8 août 1916.

Le 31 mai 1917, le navire quitte Bizerte pour Argostoli, où il doit livrer un chargement de plusieurs tonnes de charbon de Cardiff destiné aux navires de guerre, qui fonctionnent à la vapeur. Des quais aux soutes, les hommes ont fait des chaînettes pour se transmettre les briquettes. Désormais, les navires marchands voyagent en convoi, et le "Vulcanus" est accompagné de 3 autres vapeurs, avec lesquels il fera route jusqu’à la brève escale de Messine le 2 juin, juste le temps de charger un peu de fret dans les cales déjà bien remplies. Le chalutier "Vulcain" sera leur nouvelle escorte.

Ils ignorent qu’un sous-marin allemand, l’"U47", a quitté Gibraltar, et s’apprête à rejoindre sa base de Cattaro en contournant la Sicile pour gagner le canal d’Otrante

Le "Vulcanus" longe la pointe de la Calabre afin de filer droit ensuite vers Argostoli.

La rencontre est inévitable.

Le samedi 2 juin 1917, à 10h20, le sous-marin torpille le vapeur.

Le chef mécanicien Paul Boyer, qui surveillait attentivement ses machines, bloqué dans la chaufferie avec un mécanicien et un chauffeur, fait partie des 7 victimes qui disparaîtront avec le vapeur.

Lui, qui a passé près de 25 ans de sa vie sur le pont d’un navire, a l’océan pour dernière demeure, et laisse dans le chagrin une épouse, trois enfants, et des petits-enfants qu’il aura à peine eu le temps de connaître.

Il avait 55 ans.

Par arrêté du Ministre de la Marine en date du 20 mars 1922 (art. 1er ; J.O. 2 avr. 1922, p. 3.653 et 3.655), inscrit à titre posthume au tableau spécial de la Légion d’honneur pour le grade de chevalier dans les termes suivants : « Disparu en mer, le 3 juin 1917, au cours d’une attaque de son bâtiment par l’ennemi. Croix de guerre avec étoile de bronze. »

La Légion d’honneur sera remise le 8 novembre 1923 à son fils Célestin, sergent à la direction du service de santé à Marseille, qui donnera lui aussi sa vie pour la France,  lors de la seconde guerre mondiale en 1943. Près d’un quart de siècle plus tard, Louis, fils de Célestin, militaire de carrière, perdra la vie en Algérie, sur la terre qui a vu naître son père, laissant lui aussi des orphelins. Paul, Célestin, Louis, trois générations de Boyer qui ont donné leur vie pour la France.

Il était Officier mécanicien de la marine marchande.
Son unité : Vulcanus
  • Légion d'Honneur (chev.)
  • Croix de Guerre 14-18 avec étoile (s)
Il est décédé le 03 juin 1917.
Porté disparu
Son décès est inscrit à la commune de Alger
Document portant la mention MPLF : Légion d'honneur

Vulcanus

Cargo torpillé en mer Ionienne (entre l’Italie du sud et la Grèce) par le sous-marin allemand U-47.

Voir histoire complète sur le site Histomar

Vulcanus
184718
Boyer
Rognes
Bouches-du-Rhône (13)
13 février 1862
Aucune
NULL
Il a été décoré : Croix de Guerre 14-18 avec étoile (s),Légion d'Honneur (chev.)
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