Emile Henri Jacques Janvier
est né le 24 janvier 1882 à Paris (Paris (75))
Le père d’Émile, Marie-Charles Janvier, est originaire de Marchéville-en-Woëvre, petite commune située au sud-est de Verdun, dans le département de la Meuse. Issu de l’École Polytechnique (promotion 1868), il est orienté vers l’artillerie à sa sortie de l’ "X" et entame sa carrière dans la région parisienne dans laquelle il reste plusieurs années. En 1879, affecté à Puteaux, à l'atelier de construction du dépôt central de l’artillerie, il fait la connaissance de Marie Eugénie Boutet, fille d’un négociant établi 6 quai du Marché-Neuf, sur l’île de la Cité, à Paris, et l’épouse, le 23 septembre.
Quand Émile naît, le capitaine Marie-Charles Janvier sert au "15e régiment d’artillerie", et le couple est établi 5 rue de Babylone, près de la caserne du même nom, dans le 7e arrondissement.
Quatre années plus tard, le 20 février 1886, une petite sœur, Andrée Sophie Suzanne voit le jour, à Versailles où son père est alors en garnison.
Émile passe ainsi l’essentiel de sa jeunesse autour de la capitale, effectue de bonnes études secondaires, et, sans doute un peu influencé par son père, opte, le moment venu, pour une carrière militaire.
Il suit les cours de "prépa" pour les écoles militaires à Reims, au "lycée de garçons" (aujourd’hui "collège université"), dans une classe qui, à l’issue de la défaite de 1870 s’était résolument dénommée "Corniche rémoise, revanche".
Mais lui ne fera pas Saint-Cyr : le 1er octobre 1900 il intègre l’"Ecole Navale" à ce moment-là établie sur le vaisseau "Borda" (3e du nom-ex "Intrépide"), amarré à quatre en rade de Brest. Il suit alors le cursus des élèves futurs officiers de marine, devient aspirant de 2e classe le 1er août 1902, date à laquelle il embarque sur le croiseur "Duguay-Trouin" qui sert en cette période comme bâtiment école d’application des aspirants.
À l’issue, il est promu aspirant de 1re classe, et, le 5 octobre 1903, est désigné pour le croiseur "Jeanne d’Arc" de l’ "Escadre du nord", basée à Cherbourg. À cette époque, le bâtiment vient d’être admis au service actif et a été choisi pour porter la marque du Président de la République, monsieur Loubet, pour d’une visite en Algérie.
Le 3 septembre 1904, il débarque du croiseur pour rallier le cuirassé "Jauréguiberry" sur lequel il ne reste que quelques mois, avant d’embarquer, le 28 mars 1905, sur le croiseur "Chasseloup-Laubat", de la "Division navale de Terre-Neuve". Sur ce bâtiment, il est promu enseigne de vaisseau le 5 octobre 1905, juste une semaine avant de rejoindre le "Bataillon des apprentis fusiliers" à Lorient, stage assez classique pour les jeunes officiers de l’époque et qui leur permettait d’obtenir le brevet de fusilier, pour le cas où ils auraient à servir dans des unités à terre.
Suit une période de deux années où il fait des passages de quelques mois sur le croiseur "Chateaurenault", en essais à Cherbourg après une période de mise en réserve normale, puis sur le contre-torpilleur "Vautour", sur le garde-côtes cuirassé "Requin" également à Cherbourg, avant une affectation de plus longue durée, à partir du 21 novembre 1907, sur le croiseur cuirassé "Kléber", qui, de janvier 1908 à février 1909, participera à la "Force du Maroc" pendant la guerre du Rif.
Sur ce bâtiment, il a l’occasion de faire la connaissance du capitaine Saconney, spécialiste reconnu en matière de cerfs-volants, qui a été mis à la disposition du département de la Marine pour étudier les moyens de développer la T.S.F sur les aéronefs, mais aussi faire progresser certaines techniques de photo-cartographie.
À son débarquement du "Kléber", le 18 février 1909, Émile reçoit, à nouveau, des affectations de courtes durées : à Cherbourg, sur les garde-côtes cuirassés "Indomptable" et "Caïman", puis à Toulon, sur le cuirassé "Patrie", et enfin sur le vapeur "Rhône" qui effectue des transports de produits pétroliers en provenance de la Mer Noire.
Le 16 décembre 1912, sa carrière prend une toute autre orientation : il débarque du "Rhône" pour être placé en service à terre à Toulon. Ce n’est qu’une affectation "administrative" : il s’est porté volontaire pour devenir aviateur et à cette époque il n’existe pas d’unité de la Marine ayant vocation à former des pilotes d’avions. Le brevet de pilote est délivré par l’"Aéro-Club de France" à la suite d’une période de formation qu’Émile effectue sur l’aérodrome de Villacoublay dans la région parisienne. Il obtient le précieux sésame sur avion "Voisin" (brevet n° 1363) le 4 juillet 1913 ; il n’est que le 18e marin à l’obtenir (à la fin de la Première Guerre Mondiale, la Marine comptera près de 700 pilotes d’avions brevetés).
Après certaines épreuves complémentaires, ce brevet est validé, le 28 août de la même année, sur le plan militaire (sous le n° 353), pour les avions dits "terrestres".
En novembre 1913, l’enseigne de vaisseau Janvier est désigné pour le croiseur "Foudre" basé à Toulon. Le bâtiment a été transformé et réaffecté comme transport d’hydravions aux effectifs de la Flotte (jusqu’à cette période, ces aéronefs devaient être mis à l’eau par mât de charge et récupérés à l’issue de leur mission par le même moyen). Il dépend pour l’emploi du "Centre d’Aviation Maritime de Saint-Raphaël" qui vient d’être créé et par lequel passeront tous les pionniers de l’Aviation maritime, car la Marine n’utilise encore que des hydravions.
Le 1er décembre 1913, Émile obtient sa qualification sur hydravion, et désormais fait partie d’une petite équipe de pilotes qui feront progresser les techniques de mise en œuvre des aéronefs à partir des bâtiments de combat, ainsi que de leurs armements (armes, munitions, mais aussi T.S.F…).
Début 1914, une plateforme en bois provisoire de 35 m de long sur 8 m de large est installée, à titre expérimental, sur l’avant de la "Foudre" pour étudier les problèmes liés au décollage d’un hydravion. Il n’était pas encore prévu d’y faire se poser un aéronef.
Le 13 mars de la même année, trois hydravions, deux monoplans "Nieuport" pilotés par le lieutenant de vaisseau de l’Escaille et l’enseigne de vaisseau Destrem, et un biplan "Voisin" piloté par l’enseigne de vaisseau Janvier, tentent de rallier le continent (Saint-Raphaël) à la Corse. De l’Escaille et Destrem atteignent sans difficulté Calvi, puis Ajaccio, mais Janvier, qui est parti une heure plus tard, avec des conditions météorologiques différentes, et un avion différent, doit faire demi-tour et amerrir par manque d’essence.
En mai de la même année, plusieurs pilotes, dont Janvier, se font remarquer pour leur efficacité dans l’éclairage des exercices lors des manœuvres navales de l’escadre en Méditerranée occidentale.
Tous ces efforts mettent en valeur les progrès de l’aviation maritime et illustrent l’audace et le courage des pilotes de la Marine. Émile Janvier est nommé lieutenant de vaisseau le 30 juillet 1914.
Mais cette période d’expérimentations et de défis entre pilotes, mêmes étrangers, au cours de courses aériennes qui permettent de faire progresser les techniques, est momentanément interrompue par le début de la guerre.
La "Foudre" revient à sa vocation première de croiseur : en août 1914, la plateforme expérimentale est démontée et le bâtiment, sur lequel Émile Janvier occupe les fonctions d’officier d’aviation, rallie en Adriatique la "1ère Escadre" (Amiral Boué de Lapeyrère), avec toutefois deux hydravions "Voisin" qui, aux yeux des autorités militaires, doivent faire leurs preuves sur le plan opérationnel.
Le 16 août, la force navale franco-anglaise surprend le croiseur austro-hongrois "SMS Zenta" bombardant le port d’Antivari (actuellement Petrovac-Montenegro) et le coule. Mais les deux hydravions qui ont été débarqués sur rade n’ont pas pu jouer un rôle important dans l’affaire : l’un a été endommagé au décollage, et l’autre, celui d’Emile, amarré à une bouée après une première mission, a subi des avaries à la suite d’une tempête. La "Foudre" gagne Bizerte où quelques aéronefs ont été placés en réserve, et revient sur zone ; mais les deux "remplaçants" ne seront pas plus efficaces, ce qui va faire souffler un vent de scepticisme dans les états-majors quant à l’avenir de l’aviation maritime. La Marine est quasiment contrainte de mettre une partie de ses appareils à la disposition de l’aviation terrestre, voire au service des britanniques pour protéger le canal de Suez menacé par les Turcs.
En novembre 1914, Émile fait un court séjour à l’ "Escadrille de Nice" qui vient d’être créée pour surveiller discrètement l’attitude des Italiens dont la neutralité en début de conflit laisse un peu sceptique. Mais en l’absence de comportement douteux, l’urgence se porte sur le front nord.
La polyvalence du lieutenant de vaisseau Janvier, lui vaut alors d’être détaché, dès je 1er janvier 1915, au "Centre Provisoire d’Aviation Maritime de Boulogne" avant que ne soit opérationnel le "Centre d’Aviation maritime de Dunkerque" où les aéronefs opèreront à partir de la base de Saint-Pol, pour les "terrestres", et du Quai des Chantiers de France, pour les hydravions :
- du 1er janvier à fin août, il sert à l’escadrille des "Voisin" "terrestres";
- de septembre à novembre, il est responsable d’une section de deux chasseurs "Morane-Saulnier";
- et de novembre à janvier 1916, il est affecté à l’escadrille des hydravions.
Et les missions de formation et de guerre se succèdent …
Par arrêté en date du 22 avril 1915 (Journal Officiel du 23 avril 1915), le lieutenant de vaisseau Emile Janvier est fait chevalier de la Légion d’honneur pour prendre rang du 20 avril 1915, avec la citation suivante :
"M. Janvier (E.-H.-J.), lieutenant de vaisseau aviateur : déjà inscrit au tableau normal pour la croix. A, depuis le début des hostilités, effectué de nombreuses et périlleuses reconnaissances et missions de bombardement".
À l’issue de son passage à l’escadrille des hydravions, Émile rejoint, le 6 janvier 1916, le "Centre d’Aviation Maritime de Saint-Raphaël" afin d’y exercer, malheureusement pour peu de temps, les fonctions de chef de section à titre d’instructeur.
Le 28 janvier 1916, alors qu’il effectuait, pour entraînement, un vol de nuit sur l’hydravion "FBA n° 95" (Franco-British-Aviation), Émile Janvier se crashe au voisinage de l’ilot rocheux du "Lion de Mer" en baie de Saint-Raphaël. Les secours arrivés rapidement sur place ne peuvent que constater son décès. Il avait trente-quatre ans.
Les honneurs militaires lui ont été rendus le 31 janvier 1916 à Fréjus en présence de nombreuses autorités. Puis, sa dépouille a été inhumée au cimetière des Batignolles, à Paris 17e (Division 8-Ligne 7-40 avenue transversale). Sur sa tombe, le capitaine de vaisseau Jean Noël, chef du tout nouveau "Service central de l’Aéronautique maritime" à l’"État-Major général de la Marine" a déclaré :
"Brave entre tous… il avait quitté momentanément le front pour parfaire l’entraînement de jeunes pilotes qu’il devait prochainement conduire lui-même au feu".
Le nom du lieutenant de vaisseau Émile Janvier est inscrit sur le Monument aux morts de Dieue-sur-Meuse (dont une partie de sa famille est originaire) et sur une plaque apposée dans l’église de la Décollation-de-Saint-Jean-Baptiste en cette ville.
Il figure aussi :
- sur l’aérostèle érigée sur la colline de Costebelle dominant la "Base Aéronavale d’Hyères" (83)
- sur le Mémorial de l’Aéronautique navale du cap de la Chèvre (29).
Il était célibataire ; sa sœur Andrée Sophie n’aura pas non plus de descendance. Elle s’occupera de leurs parents domiciliés 137 avenue de Malakoff, Paris 16e, mais c’est leur père, le lieutenant-colonel Marie-Charles Janvier qui décèdera en dernier, le 29 novembre 1937.
- Légion d'Honneur (chev.)
- Croix de Guerre 14-18 avec palme(s)
- Citation à l'Ordre de l'Armée de Mer
Service Historique de la Défense (Vincennes)
L'Aéronautique maritime en 1914 (Les cahiers de l'ARDHAN – Robert Feuilloy et Lucien Morareau)
Mémorial École Navale
Centre d'aviation maritime de Saint Raphaël
Le" CAM de Saint-Raphaël" est le premier Centre d'Aviation Maritime créé en France par décret du 20 mars 1912.
En juillet 1914 il devient le Centre Principal d'Aviation Maritime et il est chargé " des expériences, de l'entraînement, de l'instruction et des approvisionnements".
Son premier commandant, d'octobre 1912 à décembre 1913 est le LV Laurent HAUTEFEUILLE qui commandera plus tard les CAM de Brind...