Afrique - Paquebot

AfriqueMarcelDelboy

AFRIQUE – paquebot
date du naufrage : nuit du 11 au 12 janvier 1920
lieu du naufrage : Plateau de Rochebonne Nombre de victimes : 565

Le 22 juillet 1908, un grand navire flambant neuf franchit les passes du Havre. Le paquebot Afrique, dernier né de la compagnie des Chargeurs Réunis appareille vers la C.O.A (côte occidentale d’Afrique) pour son premier voyage. L'Afrique avait été construit en 1907 aux chantiers anglais Swan Hunter et Wighan Richardson de Wallsend-on-tyne près de Newcastle.

Caractéristiques : longueur : 119,32 m – largeur : 14,77 m – creux sur quille : 7,35 m – jauge : 5404 tx. Il est propulsé par 6 chaudières cylindriques timbrées à 14 kg qui alimentent 2 machines à triple expansion de 7200 cv. L’Afrique atteignait une vitesse de route de 15 nœuds. La coque en acier, est divisée en quatre compartiments étanches ; un double fond cellulaire reçoit un lest d’eau de 1002 tonnes. Les aménagements sont prévus pour recevoir 76 passagers de 1ere classe, 68 en 2eme classe, 72 en 3eme classe et 78 émigrants ou passagers de pont. L’Afrique est donc destinée à effectuer un service régulier entre la France et les ports de la C.O.A. L’Afrique traverse le premier conflit mondial sans problèmes. Les voyages sont plus espacés mais assurés de manière régulière. Afin de déjouer les pièges de la guerre sous-marine, la cheminée est repeinte en jaune aux couleurs de la compagnie maritime belge, habituée à rapatrier des blessés et des prisonniers allemands.

A 19h00 ce 9 janvier 1920, l’Afrique appareille du Verdon, sous les ordres du commandant Le Dû, pour son 58eme voyage, il emporte en plus de ses 125 membres d’équipage, 474 passagers dont 192 tirailleurs sénégalais et 62 soldats du 1er régiment d’infanterie coloniale, qui regagnent leurs cantonnements après s’être battus dans les tranchées du nord de la France. La météo annonce une forte tempête de sud-ouest. A minuit l’Afrique mouille devant Le Verdon pour attendre la marée haute afin de franchir les passes et le banc de sable dit « banc de la Mauvaise » à l’embouchure de la Gironde. A 7h30, le 10 janvier, le pilote débarque, l’ancre est dérapée et le paquebot franchit les passes et met le cap vers le large. A 10h00 le chef mécanicien monte en passerelle et signale au commandant Le Dû une présence d’eau dans les chaufferies. La voie d’eau qui ne semblait pas très importante au début, n’est plus étalée par les pompes d’épuisement dont les crépines sont bouchées par la poussière de charbon et les escarbilles, le tangage est très important rendant aléatoire le fonctionnement des pompes. A 14h00 l’Afrique est à 80 milles de la côte, la mer est forte, les vagues atteignent 10 à 12 m et les machines n’étalent plus. Le commandant Le Dû décide alors de rejoindre un abri et abat sur tribord avec l’espoir de rejoindre la rade de La Pallice. Vers 2h00 du matin le servo-moteur du gouvernail se bloque, le paquebot ne manoeuvre plus, il vient en travers et roule bord sur bord, les chaudières tribord s’éteignent, un S.O.S est lancé. Deux remorqueurs de la marine nationale prennent la mer à partir de Rochefort mais à cause de l’état de la mer doivent renoncer à faire route vers l’Afrique et vont se mettre à l’abri sous l’île d’Aix. Le paquebot Ceylan, également des Chargeurs Réunis, qui avait aussi appareillé du Verdon, est à la sortie des passes et a entendu le message de détresse, il fait aussitôt route vers l’Afrique mais, dans la tempête n’avance guère à plus de trois nœuds. Dans l’impossibilité de gouverner, l’Afrique est ballottée de toutes parts et dérive vers le sud-est. Il ne reste plus qu’une chaudière en fonction, permettant tout juste d’alimenter les pompes et de fournir l’énergie pour la radio et l’éclairage. A 18h00, le Ceylan est en vue du paquebot en détresse et les passagers, à bout de forces entrevoient une issue salvatrice. Hélas l’état de la mer interdit de passer une remorque, et, comble de malheur le niveau de l’eau dans les chaufferies précipite l’arrêt de la dernière chaudière et prive le navire de toute source d’éclairage et de communication par la radio. Vers 22h00 l’Afrique qui a continué à dériver arrive aux abords du plateau de Rochebonne qui est situé à 37 milles à l’ouest de l’île de Ré, endroit extrêmement dangereux bien connu pour les nombreux naufrages qui s’y sont produits. Le Ceylan qui a suivi la lente dérive de l’Afrique ne peut l’assister plus longtemps car sa propre sécurité est menacée, et s’éloigne donc de ces lieux dangereux. Vers minuit l’Afrique qui a déjà évité deux écueils dangereux, vient éperonner le feu flottant de Rochebonne et talonne, s’occasionnant de nombreuses voies d’eau, la gîte est alors de 45°. L’ordre d’évacuation est donné, mais une partie des passagers ne veut pas prendre place dans les baleinières se croyant plus en sécurité à bord. Vers 3h00 du marin l’Afrique sombre entraînant avec lui le commandant Le Dû qui est resté stoïque à la passerelle, ainsi que le radio Mezier et de nombreux passagers n’ayant pas voulu évacuer. Au petit matin la mer s’est un peu calmée, le Ceylan resté sur zone va retrouver une baleinière avec 9 rescapés, tous membres d’équipage, puis un peu plus tard un radeau avec 16 tirailleurs sénégalais dont 2 sont morts. Les autres navires participant aux recherches ne retrouveront que des débris. Deux jours plus tard cependant un canot de l’Afrique avec à son bord le second capitaine va toucher la côte à Saint Vincent sur Jard avec 11 autres rescapés. Dans les jours suivants, à chaque marée on va trouver de nombreux cadavres sur la côte mais hélas pas un rescapé de plus.

Sur 599 passagers de l’Afrique on dénombrera seulement 35 survivants, 34 même car un tirailleur sénégalais mourra quelques jours plus tard ; cette catastrophe maritime marquera à jamais la marine marchande française.

Sources :

Source : Chasse-marée n°46 récit de Gilles Millot

Photo : Marcel Delboy

Paquebot