Bugaled Breizh - Chalutier

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Le Bugaled-Breizh (en français : Enfants de Bretagne) était un chalutier à coque acier, construit en 1986 aux chantiers de Bretagne sud à Belz dans le Morbihan. Destiné au chalutage hauturier, il était commandé par son patron armateur, Michel Douce avec un équipage de cinq hommes. Immatriculé au quartier du Guilvinec sous le N° GV 642421, il avait pour port d’attache Loctudy.

Ses caractéristiques : longueur 24 m - largeur 6,60 m – puissance 478 kw – jauge brute 103,61 tx.

Bien qu’âgé de 18 ans, le Bugaled-Breizh était un excellent bateau, bien entretenu et capable d’affronter des mers dures, ce qu’il faisait régulièrement en mer d’Irlande ou en Manche occidentale qui étaient ses secteurs de pêche habituels.

Il avait appareillé de Loctudy le mardi 6 janvier pour une marée classique de 12 jours, exceptionnellement son patron Michel Douce était resté à terre, le second, Yves Gloaguen assurait le commandement avec un équipage de 4 hommes. Le Bugaled-Breizh avait bien pêché jusqu’au lundi 12 janvier, où, un fort coup de vent (100 km/h mer force 7), l’obligea à relâcher à Newlyn avec d’ailleurs d’autres bateaux guilvinistes. Il avait appareillé le mercredi 14 janvier, les conditions de mer étant redevenues maniables (20 à 25 nds de vent, mer force 3) et avait gagné une zone de pêche située à environ 20 milles dans le S/W du Cap Lizard (sud des Cornouailles anglaises); un autre chalutier bigouden l’Eridan se trouvait dans la même zone à environ 45 mn de route, ce funeste jeudi 14 janvier 2004.

Cette zone de pêche des bateaux français est une zone potentiellement dangereuse, car, située sur les voies montantes et descendantes de la Manche ouest elle est très fréquentée, une moyenne de 110 à 120 bateaux de toutes tailles y transitent chaque jour sur deux rails. De plus, des navires militaires participaient à un exercice ce jour dans une zone proche du Cap Lizard, des sous-marins, hollandais et allemands évoluaient dans les parages dans le cadre d’un exercice OTAN baptisé ASWEX 04, la Royal Navy avait aussi des bâtiments engagés dans leur exercice hebdomadaire « Thursday war », ce qui faisait beaucoup de monde sur et sous l’eau.

A 12h30 le jeudi 14 janvier, le Bugaled-Breizh émet un appel de détresse, Serge Cossec patron de L’Eridan entend une voix sur les ondes disant ; « viens vite, on chavire », ce sera la dernière fois que le chalutier de Loctudy émettra. L’Eridan rentre immédiatement son train de pêche et fait route sur la position présumée de naufrage, il arrivera malheureusement trop tard, il n’y a plus rien à faire pour le Bugaled-Breizh et ses cinq hommes, ils ont disparu avec leur chalutier. L’Eridan, premier bateau sur les lieux du naufrage sera bientôt rejoint par plusieurs navires, civils et militaires, il va vite remarquer des taches d’huile à la surface de l’eau et aussi récupérer deux bouées et une balise de détresse appartenant au Bugaled-Breizh. Les fonds à cet endroit atteignent une profondeur de 90 m. Les bâtiments présents quadrillent sans relâche la zone de recherche, deux corps seront assez vite retrouvés, celui de Yves Gloaguen et celui de Pascal Le Floch. Les hélicoptères de la Royal Navy repêchent aussi deux canots de survie, hélas vides de tout occupant, ces canots feront par la suite l’objet de polémiques dans le déroulement de l’enquête. Les recherches ne permettront hélas pas de retrouver les trois autres marins du Bugaled-Breizh.

Une fois ce premier temps de grande détresse passé, les familles ne s’imaginaient certainement pas qu’elles entamaient un interminable marathon judiciaire, pour connaitre les causes de ce drame. A l’heure actuelle, 16 ans après le drame !!, ce marathon n’est pas encore terminé, car si la justice française a rendu son verdict en 2015, de l’autre côté de la Manche nos amis anglais de Truro ont lancé une procédure « d’Inquest » (procédure judiciaire) qui est encore en cours en 2020.

Beaucoup d’hypothèses émises ont été analysées. Dans son rapport le BEAMer penche pour un accident de pêche consécutif à un « enfouissement du train de pêche » dans un sol sablonneux (phénomène dit de « croche molle »), alors qu’à partir des images prises par le robot sous-marin de l’Andromède, le dimanche 18 janvier 2004, il avait été noté que « les chaluts n’ont croché nulle part ».

Cependant d’autres hypothèses ont été avancées, dont la croche d’une fune (ou des deux ?) du train de pêche par un sous-marin (de 3.000 à 5.000 tonnes, sinon plus) naviguant en plongée, ayant entraîné le chalutier (de l’ordre de 140 tonnes) jusqu’à une immersion de 40 mètres provoquant l’implosion de la cale à poissons et sa chute irrémédiable sur le fond de la mer à 90 mètres environ d’immersion. L’indice probant sur cette hypothèse correspond à l’agissement d’une force dite « hexogène » de croche sur la fune bâbord à l’immersion cohérente avec la navigation du sous-marin en plongée, selon la thèse du sous-marin responsable, avec pour preuves irréfutables : une fune étirée de plus de 140 mètres par rapport à sa longueur initiale et la présence de marques de ragage à cet endroit.

Questions soulevées par le déroulé de l’enquête :

         Il était de la responsabilité de la Royal Navy de diffuser à qui ayant droit « les avis d’urgence aux navigateurs » (« AVURNAV ») sur la présence de bâtiments militaires, dont des sous-marins, dans les secteurs de mer où leur participation aux exercices navals était programmée. Il est clair que cette diffusion n’a pas été effectuée vers les organismes français.

Concernant la thèse du sous-marin, plusieurs bâtiments ont été suspectés : le sous-marin britannique nucléaire d’attaque Turbulent et le sous-marin hollandais à propulsion classique Dolfijn. Les doutes sur la position plausible du SNA Turbulent le 15 janvier 2004, et les doutes sur sa responsabilité semblent avoir été levés lors de l’interview de son commandant par les journalistes du « Télégramme » et des témoignages des bâtiments français assurant que ce SNA était bien à quai à Devonport le 15 janvier au matin. Mais des doutes subsistent car d’autres témoignages font état de la navigation du Turbulent dans la zone de l’exercice le 15 janvier et de son retour à quai, le jour même, à Devonport pour réparations.

Le cas du Dolfijn a été écarté sous le prétexte que seul un sous-marin à propulsion nucléaire développe une puissance capable d’entraîner le chalutier accroché par sa fune. C’est ce sous-marin qui a été vu faisant surface dans la zone du naufrage, avec un comportement douteux, et qui déclare ne pas posséder d’enregistrement ni de trace de ses déplacements, notamment de la journée du 15 janvier (source : articles du « Télégramme »). Encore plus surprenant : les autorités néerlandaises éprouvent un besoin pressant de faire subir au Dolfijn, quatre mois après sa participation à l’exercice de lutte anti-sous-marine (et au naufrage du chalutier), une opération de démagnétisation en Norvège, qui …sans aucun doute, sera tenue pour origine des traces de chocs et d’éraflures constatés sur la coque et son appareil à gouverner de son massif ! Les opérations de démagnétisation des sous-marins à propulsion classique, leurs périodicités, sont codifiés dans la vie des bâtiments. Ce point n’a pas été éclairci.

La thèse du sous-marin espion américain, qui serait venu (ou aurait transité) sur zone pour inspecter un transport de matières nucléaires en partance de Cherbourg, a été avancée par l’expert mandaté ; son étude est problématique. Il est certain que les autorités américaines ne répondront jamais à des commissions rogatoires internationales exigeant de connaître la position de leurs SNA déployés en Atlantique ; dans ces conditions un trait peut-être tiré sur cette hypothèse.

Mais ce qui est surtout à retenir dans ce drame c’est que cinq hommes ont perdu la vie ce 15 janvier 2004, cinq marins qui aspiraient simplement à travailler, acceptant tacitement et humblement les dures conditions du métier de marin-pêcheur, les familles quant à elles connaissent les risques du métier et sont prêtes à les accepter mais ont aussi, en retour et c’est bien le minimum qu’on leur doit, un droit fondamental à la vérité. Peut-être que cette vérité tant recherchée finira un jour par éclater. Thierry Le Métayer, le fils du chef mécanicien s’y emploie activement, souhaitons-lui le même courage et la même abnégation dont a fait preuve Hervé Fauve, le fils du commandant de la Minerve qui a mis cinquante ans pour contribuer à lever le mystère de la perte du sous-marin commandé par son père.

L’association Aux Marins se gardera bien d’émettre un jugement ou avis sur les causes réelles ou supposées de ce terrible drame, elle se solidarise simplement du malheur des familles de Yves Gloaguen, Georges Le Metayer, Patrick Gloaguen, Pascal Le Floch et Eric Guyonnet, notre association par cette simple plaque sur le chemin de mémoire de la pointe Saint Mathieu continuera d’honorer la mémoire des marins disparus.

Sources :

Archives "Le Télégramme de Brest"

photo: Christian Signor
collection Treizour DZ

 

https://www.bugaledbreizh.org/

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