Hervé Marie Le Pors
est né le 20 octobre 1909 à Plounéour-Trez (Finistère (29))
C’est le fils de Goulven, 38 ans, matelot-chauffeur, et de Marie Yvonne Quiniou, 32 ans son épouse.
Le couple a une fille, Marie Jeanne Lucia, âgée de 18 mois à la naissance de son petit frère, et deux autres garçons du premier mariage de Goulven. Hervé est donc le benjamin d’une fratrie de 4 enfants.
La famille quittera bientôt Plounéour-Trez et le bord de mer pour venir s’installer à Lesneven, où Hervé passera son enfance. Il a étudié au collège Saint-François de Lesneven. Connue depuis le Haut Moyen-Âge, ancienne sénéchaussée, la commune, plus citadine, est l’ancienne capitale historique du Léon. C’est également un carrefour important des Chemins de fer Départementaux, reliant Landerneau, Plabennec, ou le littoral : les foires de Lesneven drainaient les foules.
Ces Chemins de fer Départementaux emploieront jusqu’à 350 personnes, dont fera partie le père d’Hervé, comme chauffeur. En 1933, il est désigné comme retraité des Chemins de fer Départementaux.
Le 27 juin 1927, quatre mois avant ses 18 ans, Hervé s’engage comme volontaire à la mairie de Brest, et est recruté comme matelot de 2de classe dans la spécialité électricien.
A la rubrique profession, ses états de service mentionnent « écolier ». On peut penser qu’après sa scolarité obligatoire, Hervé a poursuivi ses études, peut-être à Lesneven, qui avait déjà à cette époque un établissement secondaire.
Dès le 8 juillet, il embarque à bord du cuirassé ‶Patrie″ qui accueille l’ ″Ecole des mécaniciens et torpilleurs‶. Le 15 septembre, sa formation se poursuit sur le cuirassé ‶ Condorcet ″, qui a la même fonction, pendant un trimestre.
Le 1er janvier 1928, il part pour Cherbourg, qui, depuis la toute fin du 19ème siècle, se consacre à la construction des sous-marins. Le premier, le ‶ Morse ‶, est mis à l’eau en 1899, sous la direction de l’ingénieur Romazzotti. De 1899 à 1914, l’arsenal en construira 35, une moyenne de 3 sous-marins par an. Les premiers bâtiments construits sont toutefois assez vite dépassés technologiquement.
En 1922, les effectifs sont de 48 sous-marins, tous construits après 1911. En janvier 1930, la France a la plus importante flotte sous-marine du monde avec 110 unités d'un tonnage de 97 875 tonnes anglaises en service. Les moteurs à essence ont été remplacés par des moteurs diesel, associés à des moteurs à propulsion électrique. Assurer la fiabilité de ces derniers a nécessité de nombreuses mises au point et compétences, et Hervé Le Pors, breveté électricien, formé à ‶l’Ecole des mécaniciens et torpilleurs″, y restera 3 ans et demi.
Plusieurs sous-marins ont été mis en chantier durant cette période. A-t-il travaillé à la réalisation du ″ Surcouf ″, le croiseur sous-marin capable d’embarquer un hydravion, ou de ″l’Espoir ‶, un sous-marin de grande patrouille, ou un des nombreux autres bâtiments sur lesquels l’arsenal de Cherbourg s’est penché ?
Depuis le 1er avril de cette même année 1931, il est promu quartier-maître de 1ère classe, moins de 4 ans après son premier engagement dans la Marine.
Du 21 juillet au 27 juin 1932, il fait partie de la ″3ème Escadrille de sous-marins ‶. Durant cette année, sans doute a-t-il eu l’occasion d’approcher plusieurs sous-marins différents : les missions étaient brèves, souvent moins de deux mois, et immédiatement suivies durant plusieurs semaines d’un contrôle approfondi du bâtiment, la sécurité étant essentielle. Aujourd’hui encore, les électriciens électrotechniciens sont particulièrement recherchés qu’il s’agisse de la navigation ou de l’entretien.
Après trois mois au dépôt de Brest, qui lui auront permis de revoir sa famille, et, peut-être, de faire la rencontre qui va changer sa vie, Hervé part pour Lorient et ‶l’Ecole des fusiliers marins ″, dont la conduite héroïque durant la Première guerre mondiale a impressionné les Français.
Destinés à agir sur plusieurs fronts, les fusiliers marins opèrent en mer comme sur terre., où ils débarquent pour soutenir les combats de l’infanterie ou intervenir seuls.
Le 1er avril 1933, à l’issue de ses six mois de formation, le quartier-maître Le Pors est breveté fusilier et rejoint à nouveau le dépôt de Brest. Il est alors affecté à ″l’Etablissement des Pupilles ‶ pour 19 mois considérés comme temps de service en mer. A cette époque, les cours de préparation à l’Ecole de Maistrance sont supprimés et la mission de l’établissement consiste à entraîner vers la Marine les garçons sortant de l’école primaire. La nomination d’Hervé Le Pors à ce poste est sans doute liée à la diversité de ses compétences, qui lui permettent de faire découvrir aux jeunes gens les différents aspects de la vie à bord.
Ce n’est toutefois pas le seul intérêt de cette affectation qui en a un autre, d’ordre privé cette fois : le 20 octobre de cette année 1933, Hervé s’est marié, à Brest, le jour même de ses 24 ans. Elle s’appelle Renée Julie Mauguen, elle vient d’avoir 17 ans. Elle est brestoise, de Brest même, une rue aujourd’hui divisée et rebaptisée, la rue de la Vierge.
Le 17 novembre 1934 leur naît un garçon, Roger, à Guilers.
A l’issue de son affectation à ‶l’Etablissement des Pupilles″, Hervé est nommé second maître, le 1er octobre 1935, et entame aussitôt à ″ l’Ecole des fusiliers marins ‶ une formation supérieure de six mois, sanctionnée par l’obtention du brevet supérieur.
Le 1er juillet 1935, le second maître Le Pors embarque à bord du croiseur ‶ Dupleix ″, basé à Toulon, et figurera au rôle d’équipage jusqu’au 14 août 1937. En service depuis 1932 seulement, le navire aura pour mission de transporter au Maroc les cendres du maréchal Lyautey. Le départ se fera de Marseille le 27 octobre 1935 afin de permettre l’inhumation du maréchal dans un mausolée édifié à Rabat à son intention.
Sa famille l’a sans doute rejoint à Toulon, où elle est lourdement frappée : le petit Roger, atteint d’une méningite virale, décède à l’hôpital de Toulon, le 30 mars 1936.
C’est à Brest que naît le second fils du couple, le 20 août de la même année. Hélas ! Victime du même mal que son aîné il décèdera à quelques mois, le 16 mars 1937.
Hervé quitte Toulon pour une affectation au dépôt de Brest, trois mois pendant lesquels le couple endeuillé sera réuni, avant d’être inscrit au rôle d’équipage du croiseur ‶Dunkerque ″ pour une année. Ce navire, qui vient d’être mis en service, aura une existence bien brève.
Le 22 octobre 1938, il embarque à bord du cuirassé ″Bretagne ‶. Désormais titularisé, il a été promu maître le 1er du mois. Mais le ciel s’obscurcit : l’attitude belliqueuse du chancelier allemand tend les relations entre les différentes puissances. Lorsque, le 1er septembre 1939 Hitler agresse militairement la Pologne, l’Angleterre puis la France entrent en guerre contre l’Allemagne, aux côtés de leurs empires coloniaux respectifs.
Le cuirassé ″ Bretagne ″, initialement basé à Brest, a dès juillet rejoint Toulon, et fait partie de la ″ 2ème escadre de la flotte de Méditerranée ″ chargée de la protection des convois. En mars 1940, il fera même partie de la force X, qui achemine jusqu’à Halifax (Canada) une partie de l’or de la banque de France, destinée à financer l’achat de matériel aux Etats-Unis. En avril, la ‶2ème division ″, dont fait partie la ″ Bretagne ‶, se dirige vers Oran et Alexandrie, afin de procéder avec nos alliés anglais à des manœuvres d’entraînement.
Cependant l’Italie, jusque-là dans l’expectative quoiqu’alliée de l’Allemagne, semble sur le point d’entrer en guerre, ce qu’elle fera le 10 juin 1940, et la ‶ Bretagne ″ doit gagner Oran dès le mois de mai.
Le 22 juin, la France signe une paix séparée avec l’Allemagne.
Churchill met alors en place l’opération Catapult. Le 3 juillet, alors que les navires français sont à l’ancre, moteurs arrêtés, dos à la mer, dans le port de Mers-el-Kebir, près d’Oran, les Anglais ouvrent le feu.
Le cuirassé ″Bretagne ‶, touché, prend feu et chavire en quelques minutes, causant la mort de près d’un millier de marins, au rang desquels le maître fusilier Hervé Le Pors .
Il avait trente ans.
- Légion d'Honneur (chev.)
- Médaille Militaire
Bretagne (cuirassé)
Bretagne : cuirassé construit à Brest en 1916. Après la capitulation signée par le maréchal Pétain, pour éviter qu'elle ne tombe entre les mains des Allemands, Churchill décide de détruire la flotte française qui stationne à Mers-el-kébir (6 km d'Oran) : opération Catapult. Les négociations entre les amiraux Somerville (anglais) et Gensoul (Français) échouent...