Ce voilier à trois mâts carré, construit en 1902 aux chantiers de Rouen pour la Société des Voiliers Nazairiens, s’est appelé Pilote Hervé Rielle dans un premier temps. Il fut racheté sur cale par la compagnie Bordes qui le rebaptisa Rancagua, 3^e du nom. Rancagua est une ville située au sud de Santiago, la capitale du Chili.

De 3220 t de port en lourd, il jaugeait 2720 tonneaux en brut et 2315 tx en net, pour une longueur de 88 m et une largeur de 12 m.

Bien que doté d’équipements modernes pour l’époque, Rancagua n’eut jamais la réputation d’un bon marcheur, toutes ses traversées restaient en moyenne au-dessus des cent jours.

Rancagua avait quitté Mexillones (Chili) avec un chargement de nitrate, à destination de Bordeaux. On a longtemps ignoré les circonstances exactes de sa disparition, il avait donné de ses nouvelles le 20 janvier 1917, ce fut la dernière fois. Ce n’est que quelques mois plus tard que l’on retrouva une embarcation portant le nom de Rancagua et traversée par un obus. On en déduisit alors que le trois-mâts avait coulé à la suite d’une attaque ennemie, sans doute par canonnage de sous-marin allemand.

Par la suite plusieurs versions, plus ou moins réalistes, ont été avancées, quant aux circonstances de la disparition de Rancagua. Mais en 1926 on apprendra q’une note émanant de l’amirauté allemande transmise à l’état-major général de la marine française le 14 octobre 1921, signalait que le sous-marin allemand UB-39 avait coulé, le 10 février 1901 à 9h30, dans la zone de blocus, par 46° 02 n et 06° 30 W le voilier français Rancagua. A noter que les allemands précisaient que tout le temps avait été laissé à l’équipage du voilier pour évacuer le navire. Il est quand même alors envisageable que des embarcations, laissées en pleine mer à cette position auraient pu, sinon regagner la terre ou tout au moins être repérées et secourues par un navire croisant dans la zone. Le mystère reste donc entier.

Quoi qu’il en soit ce naufrage coûta malheureusement la vie à 27 marins alourdissant encore davantage le terrible bilan des morts de cette année 1917. La compagnie Bordes à elle seule perdit 2 navires en 1914, un en 1916 et 20 en 1917, occasionnant la mort de 106 de ses navigants ! A noter que le capitaine Grégoire et son second Pierre Hervi avaient tous deux échappés à la mort dans un premier naufrage en 1914, l’un alors qu’il commandait l’Union et l’autre en tant que second sur le Valentine.