Jacques Pierre François Choquer
est né le 12 janvier 1909 à Henvic (Finistère (29))
Jacques Choquer naît le 12 janvier 1909, deuxième fils de Jacques Choquer et d’Anne Guillerm, cultivateurs à Henvic (Finistère) au lieu-dit Lanniellec. Comme il porte le même prénom que son père et que son grand-père, on l’appelle François.
Il fréquente l’école publique d’Henvic qu’il quitte après avoir obtenu son certificat d’études primaires. Il est inscrit en même temps que son frère Yves comme mousse sur le bateau "Reine d’Arvor" que son père vient d’acquérir au chantier naval de Carantec. Le 6 octobre 1923 débute sa carrière maritime de François. Le bateau sert essentiellement à ramasser le sable et le goémon utiles à l’agriculture locale. Simultanément la famille continue d’exploiter la ferme de Lanniellec où le travail ne manque pas.
François est donc d’abord mousse à quatorze ans, novice à seize ans, matelot à dix-huit. A vingt ans, il part accomplir son service militaire à Brest. D’abord affecté sur le voilier-école "Bretagne", il obtient la qualification première classe puis le grade de quartier –maître timonier. Il termine cette période en mars 1931 et rejoint la ferme familiale avec un certificat de bonne conduite, mention très bien. Dès le 9 mars, il est de nouveau matelot sur la "Reine d’Arvor". Laissant la ferme et le bateau à ses deux frères, il quitte Laniellec pour un engagement de trois ans dans la Marine nationale.
En juillet 1936, il épouse Yvonne Hyrien de Lesnoa-vian. Les jeunes mariés s’installent au bourg d’Henvic. François reprend un engagement de trois ans en août 1936 et partage cette période entre Brest et Cherbourg. En avril 1937, naît sa fille Anne-Françoise. Il est de nouveau affecté à Brest puis à Toulon où sa jeune épouse le rejoint momentanément avec leur fille. François est promu au grade de second maître timonier en juillet 1939 et signe un nouvel engagement en août 1939. Il est à Alger au moment de la déclaration de la guerre à l’Allemagne, il rejoint Brest au mois d’octobre. Un deuxième enfant, Jacques, naît au mois de novembre à Henvic où la famille se retrouve. François passe le mois de janvier 1940 à Brest, préparant ses examens pour monter en grade. En février, il est de nouveau à Henvic. C'est la dernière fois qu’il va voir sa famille, Annie n’a pas trois ans et le petit Jacques, deux mois. François part pour Cherbourg où il arrive le 27 février, il écrit aussitôt à Yvonne pour lui apprendre son affectation à Casablanca.
Le paquebot "Mérithie II" quitte Marseille le 4 mars 1940 et atteint Casablanca le vendredi suivant.
Il hésite à faire venir sa famille dans un pays où la vie lui semble bien douce mais il y renonce car il pense qu’il sera en mer les trois quart du temps. Cela se confirme, il embarque sur un chalutier, "le Gosse", réquisitionné pour effectuer des patrouilles de surveillance en mer. Les lettres de François montrent ses deux préoccupations, les dangers qu’il affronte lors des navigations de nuit, tous feux éteints, "le Gosse" est en effet muni de grenades sous-marines, mais il minimise les périls pour ne pas inquiéter Yvonne ; à terre c’est à sa famille qu’il pense et à son espoir de les revoir lors d’une permission.
Le 16 juin, c’est l’Armistice, le 18 juin l’appel du général de Gaulle. Pour François, nous sommes battus sans avoir combattu. Les nouvelles les plus contradictoires circulent, une lettre de son frère Jean lui annonce son arrivée possible à Casablanca. En fait c’est son frère aîné, Yves, qui le rejoint d’abord puis Jean les retrouve. Durant cette période, la solidarité familiale va jouer, les frères et leurs épouses s’aident pour affronter les difficultés de l’époque.
Les liaisons postales avec la zone occupée sont interrompues, mais grâce à des cartes pré imprimées, François annonce à Yvonne, le 1er novembre, son départ imminent de Casablanca. Ce sera le dernier courrier qu’Yvonne recevra de son époux.
En décembre 1940 François est affecté sur le pétrolier "le Rhône", ce bâtiment reçoit l’ordre de se rendre à Dakar avec un chargement de 3500 tonnes de gas-oil. Il doit faire le trajet avec le sous-marin "Sfax" qui assure sa protection. Le 17 décembre, "le Rhône" appareille en fin de matinée, "le Sfax" le rejoint, et les deux bâtiments mettent le cap vers le sud en longeant les côtes marocaines, passent devant Agadir puis Ifni sans problème. Le 19 Décembre, dans l’après-midi, ils sont à la hauteur des îles Canaries quand le sous-marin est secoué par une violente explosion, l’étrave se dresse à 40 degrés hors de l’eau et le bâtiment coule immédiatement. Le commandant du "Rhône" fait stopper les machines et mettre deux baleinières à l’eau pour recueillir les rescapés. Elles ne sont pas encore remontées à bord qu’une violente explosion secoue à son tour "le Rhône", la coque est éventrée, la cargaison s’enflamme instantanément. La passerelle est atteinte par les flammes, François, qui est de quart, n’a d’autre solution que de sauter à l’eau, il s’éloigne de la nappe de feu qui s’étend, en compagnie de l’officier de quart. Il est recueilli gravement brûlé à la face , aux genoux et aux mains, dans une baleinière. Ils se retrouvent à dix sept marins dont trois seulement sont indemnes, qui s’éloignent du bateau par crainte d’une explosion. Les consignes sont de garder le contact et de ne pas s’éloigner du navire en flammes, la lueur de l’incendie pouvant alerter d’éventuels secours. Mais la nuit tombe, le vent d’est se lève, une baleinière entreprend d’atteindre la côte, l’embarcation de François tente de ne pas la perdre de vue, en vain, et vers minuit les dix-sept marins décident eux aussi de gagner la côte marocaine qui se trouve à une quarantaine de kilomètres du lieu de l’explosion.
L’embarcation accoste le surlendemain, 21 décembre, vers l’embouchure de l’oued Chebeika. François, malgré ses brûlures, demande à tenir les avirons et guide la baleinière. Ils sont bientôt rejoints par les marins de l’autre bateau ; les quarante trois marins, à pied, sans chaussures pour certains, tentent, aux confins du Sahara, de rejoindre des secours possibles. Mais le milieu est hostile, alternent en effet des dunes de sables et des passages rocailleux, seuls quelques nomades croisent leur chemin. La colonne en marche s’étire en longueur, les valides soutenant les blessés, la chaleur les accable dans la journée, le froid dès que la lune se lève. Un guide se propose de les diriger vers Tan Tan où se trouve une garnison espagnole. Peu avant midi, une patrouille en camions, les aperçoit et les transporte à leur poste Xenel Marsa (El Ouartia) où les hommes peuvent se nourrir et se désaltérer.
Le navire "le Brestois" qui les recherche, passe à proximité ; par radio, les Espagnols arrivent à le contacter, il s’ancre près de la plage, un médecin et un infirmier accostent. Il est seize heures le dimanche 22 décembre, les premiers soins, rudimentaires, sont donnés aux blessés. Le rapport médical note l’état d’épuisement des hommes.
Embarquer les hommes sur "le Brestois" est impossible à cet endroit, les camions espagnols les conduisent jusqu’à Tan Tan, de là deux avions junker évacuent vingt-cinq d’entre eux, les plus blessés, vers le cap Juby (Tarfaya) où le "Brestois" pourra les prendre à son bord. Les autres seront évacués par camions jusqu’à Guelmin. Après une heure de vol, François atterrit vers 19h30 et reçoit de nouveau quelques soins. L’embarquement sur le bâtiment a lieu dans la matinée du 23 décembre en direction de Casablanca qui se trouve à 900 kilomètres au nord. François est à l’infirmerie avec 40° de fièvre. Une violente tempête éclate dans la nuit, il faut sangler les blessés, impossible de renouveler les pansements. La tempête dure jusqu’au 24 décembre au soir. Le navire accoste enfin le matin de Noël à Casablanca.
François est admis à l’hôpital de Casablanca au service de chirurgie avec le diagnostic de brûlures infectées du deuxième et troisième degrés à la face , aux mains et aux genoux, une température de 38°2. Le 27 décembre, le rapport note la gravité des brûlures aux doigts. Le 1er janvier 1941, François décède, probablement d’une embolie pulmonaire .Une carte adressée à Yvonne par un commissaire de la Marine, en décembre 1941, relate le séjour à l’hôpital de François qui reçoit plusieurs visites. Le 31 décembre au soir vers 23 heures trente, l’infirmier de garde passe le voir, ils s’entretiennent tous les deux, rien ne laisse présager sa fin brutale trois quarts d’heure plus tard.
Son corps est inhumé le 2 janvier dans la matinée au cimetière de Ben M’Sick en" présence de quatre officiers, de plus de cinquante de ses camarades, des délégations réglementaires des corps et de la garnison et un piquet en armes de neuf hommes, trois belles couronnes ornent son cercueil".
Deux télégrammes officiels parviennent à la mairie d’Henvic, l’un, le jour de Noël annonce que François est rescapé après la perte de son bâtiment, l’autre, le jour de l’An annonce son décès. Le maire d’Henvic, Monsieur Bohic a la lourde charge d’informer la famille.
Le" désespoir d’Yvonne, il n’y eut personne pour m’en parler, il n’y a aucun mot pour l’écrire, pourtant il a fallu tenir pour ses deux enfants mais plus jamais le jour de l’An ne fut un jour de fête pour elle" dit son fils Jacques alors âgé de quelques mois lors de la disparition de son père.
Son corps est rapatrié au cimetière d’Henvic après la guerre. "Je me souviens de gens en uniforme, de discours patriotiques, encore une épreuve pour Yvonne" dit son fils.
Ce récit détaillé nous parvient grâce au remarquable travail de recherche fait par son fils Jacques pour honorer la mémoire de ce père qu’il a à peine connu.
- Médaille Militaire
- Croix de Guerre 39-45 avec palme (s)
- Citation à l'Ordre de l'Armée de Mer
Rhône
Lancé à Grand-Quevilly comme Radioléïne pour la société Pétrole Transports en mars 1910, racheté en décembre de la même année par la Marine et rebaptisé Rhône.