Jean Marie Louis LERAY
Né le 04 mars 1921 à Donges (Loire-Atlantique (44))
CH-5 - Carentan
La classe Chasseur 5 est le nom donné à une série de 17 petites unités de la marine nationale destinée à la lutte anti-sous-marine dite "chasseur de sous-marin", mise en chantier en 1938.
Le programme de 1937 avait prévu la construction d’un nouveau type de chasseurs de sous-marins à coque acier pour remplacer les vieux chasseurs américains de type C1...
Jean Marie Louis Leray est né à Donges, en Loire-Inférieure (44), le 4 mars 1921. C’est le premier né de Jean Marie, manœuvre, 26 ans, et de Louise Fréour, cultivatrice, 24 ans, son épouse. La famille est domiciliée au Coin d’Errun, où résident également les grands-parents maternels du bébé.
Mais sa jeune vie est très tôt endeuillée : le 29 du même mois sa maman décède à son domicile.
Son papa, qui retrouvait le goût de vivre après les horreurs vécues lors de la Première guerre mondiale, au cours de laquelle il a vu tant de camarades tomber à ses côtés, ne peut pas s’occuper seul de lui, et l’enfant est recueilli par sa grand’tante Rose Pézeron, 54 ans à la naissance de l’enfant, et par son grand-oncle Isidore Pézeron, son frère, 49 ans.
Ce sont les plus jeunes frère et soeur de sa grand-mère paternelle, Sidonie Pézeron, l’un et l’autre cultivateurs à Donges, à la Basse Boue, en Saint Donatien, à environ 6 km au nord du centre bourg.
Située sur l’estuaire de la Loire, à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Saint-Nazaire, Donges est au début du siècle une commune essentiellement rurale, proche des marais de Brière.
A l’époque, il n’existe pas d’école maternelle à Donges, qui compte 2745 âmes lorsque naît Jean Marie Louis, et l’enfant grandira jusqu’à ses six ans auprès de Rose et Isidore, au sein de la nature. En 1927, il prend donc le chemin de l’école, accolée à la mairie, située plus près qu’aujourd’hui des bords de Loire. En dépit de la distance, environ 6 km, il s’y rend à pied, chaussé de sabots qui le protègent de la boue lorsqu’il passe les zones humides. Sans doute porte-t-il avec lui sa gamelle, car les cantines scolaires sont encore bien rares, et la distance ne lui permet pas de rentrer déjeuner.
La même année lui naît un jeune frère, Narcisse. Son père a épousé Marie Joséphine Fréour-David, sa belle-sœur, elle aussi veuve avec une enfant, Gilberte, 3 ans.
Cependant, Jean continuera à vivre avec son oncle et sa tante. Son oncle Isidore, qui décèdera en 1935, l’adopte en effet officiellement le 4 juin 1932. Il leur témoignera toujours la plus vive affection, et aidera sa tante après le décès de son oncle dans les travaux agricoles, de l’élevage sans doute. C’est en effet l’activité agricole dominante sur la commune, à des fins de production laitière.
Il est probable qu’il travaillera aussi comme cultivateur saisonnier après ses 13 ans, âge à partir duquel la scolarité n’est plus obligatoire, afin de soutenir financièrement sa grand’tante.
Le 1er avril 1939, le jeune homme, qui vient d’avoir 18 ans, et mesure 1m67, embarque pour un an à bord du pétrolier l’"Ophélie", construit en 1922 pour la Compagnie Auxiliaire de Navigation. Ce navire-citerne de 9000t sera bombardé par la Luftwaffe en mai 1940, alors qu’il était ancré dans le port de Boulogne. L’incendie qui en résultera durera 3 jours, et causera six morts.
A cette date et depuis le 6 avril 1940, le jeune homme est matelot à bord de la "Saintonge", pétrolier de la Société Française des Transports Pétroliers construit en 1936, de 9386t. En juin, le navire est en escale à Brest, en provenance de Corpus Christi, au Texas. Le 13 juin, 6 jours avant l’arrivée à Brest des troupes allemandes, le navire lève l’ancre pour Belfast, évitant ainsi les bombardements allemands sur le port et la rade. Mais à Belfast, le pétrolier est saisi par les Anglais, le 17 juillet 1940. Le commandant au long cours Leterrier et des membres de l’équipage rejoindront aussitôt la France libre. Il est remplacé par le commandant Tassel, également FNFL, à la direction du pétrolier qui ravitaillera en carburant et en grenades des escorteurs des convois transatlantiques.
Dans un premier temps, Jean Marie Louis est rallié aux Forces Françaises Libres en tant que marin de commerce. Il signe par la suite un engagement personnel aux FNFL le 6 février 1942 et passe une semaine à la CPL, la Compagnie de Passage pour Londres, qui accueillait les arrivants après filtrage, avant de les diriger vers leurs unités d’affectation.
Le 11 mars 1942, à peine majeur, il apparaît pour un peu plus d’un mois au rôle d’équipage de l’aviso "Arras", devenu bâtiment-base pour FNFL, puis il rejoint le centre de formation HMS Royal Arthur, établissement à terre de la Royal Navy. Durant cette période, le centre est utilisé essentiellement pour former des matelots et officiers de la branche télécommunications. Jean Marie Louis y restera un peu plus de 4 mois, avant de devenir apprenti-radio, du 20 août 1942 au 26 mars 1943.
Peut-être est-ce à cette époque qu’il a eu l’occasion d’entrer en contact avec la famille qui le recevra durant ses périodes de permission, la famille Mandson à Grimsby ?
Situé sur la côte est, à la latitude de Liverpool, Grimsby est un port de pêche où les vikings se seraient installés plus de 10 siècles auparavant. Pendant la Seconde guerre mondiale, c’est la base des chasseurs de mines. La Royal Navy a réquisitionné des chalutiers qui leur viennent en aide, allant jusqu’à se servir de leurs chaînes pour tracter des paravanes, mini-sous-marins qui déplacent ou remontent les mines. La mission fera près de 2400 victimes. Par ailleurs, la ville sera bombardée par la Luftwaffe en juin 1943.
On comprend donc l’inquiétude de la famille, qui écrit en français aux services compétents lorsqu’elle est sans nouvelles de ces deux sympathiques Frenchies. En plus de Jean, comme on l’appelait à Grimsby, le Breton aux yeux verts, la famille accueillait également un autre marin du "Carentan", lui aussi disparu par la suite.
Jean Marie Louis n’en oublie pas pour autant sa tante Rose Pézeron. Faute de pouvoir la contacter directement, il lui fait adresser le colis familial, à son adresse, ou par l’intermédiaire d’une voisine, en passant par une adresse au Portugal. Les avoirs des FNFL sont en effet gelés, le gouvernement de Vichy empêchant leur transmission aux familles, qui se trouvent de ce fait sans ressources en France. En 1942, Rose a 76 ans.
Après un passage d’un mois à la caserne de Bir Hackeim, située à environ 10km de Portsmouth, il est affecté le 16 avril au groupe de Chasseurs de Cowes, plus précisément le Chasseur 5, le "Carentan" . C’est un navire récent, 1939, rapide mais léger, de seulement 100t. Saisi par les Anglais en 1940, il est rendu aux FNFL au début du mois d’avril 1943, et l’équipage aussitôt constitué. Il a pour mission d’escorter les sous-marins lors de leurs déplacements.
Le 20 décembre 1943 le "Carentan" se rend à Falmouth afin d’escorter un sous-marin anglais, le "Rorqual", un mouilleur de mines de plus de 2000 t qui se rend en surface à Porstmouth. Le 21, ils sont aux environs de Swanage lorsque la tempête annoncée forcit considérablement. Les vagues sont hautes, très hautes, et, malgré une navigation serrée, au plus près des côtes, le Chasseur embarque mer par l’arrière, chavire, et se retourne, aux environs de 10.30.
Le matelot radio Jean Marie Louis Leray est porté disparu.
Il avait demandé que Rose Pézeron, la grand-tante qui l’a élevé, pour qui il a la plus grande affection, à qui il fera expédier d’Angleterre le colis familial, expédition qui perdurera au moins jusqu’à la déclaration officielle de son décès, soit avertie en cas de mauvaise nouvelle. Mais peut-être la Croix-Rouge n’a-t-elle pas retrouvé Rose Pézeron. Un courrier est alors expédié de Casablanca, mais il est distribué à la Bouée, et le Maire de la commune erronée renvoie l’avis avec la mention « Famille inconnue ». C’est seulement en août 1946, après un courrier de Jean Marie Leray son père, s’inquiétant de rester sans nouvelles de son fils alors même que la plupart sont rentrés, que la Marine nationale fait savoir la disparition de Jean Marie Louis, le jeune radio mort à son poste.
Il n’avait que 22 ans.
- Croix de Guerre 39-45 avec étoile (s)
- Médaille de la Résistance

