C’est à la Pointe Saint-Mathieu, extrémité de la Bretagne profondément ancrée dans l’histoire de notre pays, que les plus hautes autorités de l’Etat décidèrent, en 1923 sur l’initiative de l’Amiral Guépratte, député du Finistère, d’élever le Monument National des marins Morts pour la France.
Une stèle, érigée en 1927 et construite par René Quillivic, traduit de façon poignante la douleur morale et la tristesse d’une veuve de marin face à l’océan.
Son inauguration a eu lieu en 1927, en présence de Georges Leygues, Ministre de la Marine.
A ses pieds, le fortin construit en 1846 pour prévenir un débarquement anglais, est à l’abandon.
Le Syndicat Mixte d’aménagement de la Pointe Saint-Mathieu est créé en 1997 avec la contribution du Conseil Général du Finistère, de la Communauté Urbaine de Brest, de la Communauté de Communes du Pays d’Iroise, et des communes du Conquet et de Plougonvelin.
L’architecte en chef des Monuments Historiques Daniel Lefevre (accompagné de son adjoint Thierry Mercadier) élabore un schéma d’aménagement global et de mise en valeur du site de Saint-Mathieu, qui est réalisé de 1998 à 2000 :
- Place de l’abbaye : restauration des hauteurs d’origine des murs et traitement des pavés de l’église paroissiale
- Ancienne cave à vin du bâtiment conventuel de l’abbaye mauriste : cet unique vestige est restauré ainsi que ses abords.
- Esplanade des cérémonies : dallage en granit de la place des cérémonies et du bastion.
Mais l’aménagement du fortin abandonné ne faisait pas partie de ce programme global.
Le Syndicat Mixte a donc souhaité développer le caractère commémoratif du lieu en confiant à Thierry Mercadier, architecte, une mission de restauration du vieux fortin pour renforcer le caractère cérémoniel de l’esplanade.Le projet de cénotaphe, tombeau vide et lieu de recueillement destiné aux familles des marins Morts pour la France, a été élaboré par Thierry Mercadier et Claude Treguer, architectes, et Vincent-Victor Jouffe, artiste plasticien.
Adopté par le Syndicat Mixte, ce projet a été réalisé en 2004 et le fortin abandonné devient un cénotaphe.
Bâti avant les derniers conflits durant lesquels des marins trouvèrent la mort, ce fort militaire désaffecté est devenu un lieu de recueillement pour les marins Morts pour la France.
Sur la terrasse, le bandeau d’acier décollé, flottant au-dessus de la construction, reflète la face changeante de ce paysage de nuages et d’embruns, et souligne la vocation funéraire du lieu. La lourde porte avec ses deux volets d’acier et son rideau métallique marque le passage vers un autre univers, celui du souvenir et de l’hommage reconnaissant.
A l’intérieur, les voutes et la pénombre ambiante, la faible lumière du jour qui perce à travers les vitraux obstruant les meurtrières, l’éclairage discret, tout confère à cet espace une atmosphère de recueillement. Une sonorisation égrène le nom des navires naufragés ainsi que la date, la position et les circonstances connues.
Au sol, sur les grands carreaux de granit sombre, se découpent trois dalles de verre qui symbolisent les trois marines, nationale, de commerce et de pêche, rassemblées pour un même hommage. Ces dalles translucides représentent des silhouettes d’ombre, de corps, de bateaux ou des tombes.
Sur les murs des cryptes, les photographies sont des reproductions fidèles des images communiquées par les familles, photos officielles, photos de famille, en uniforme ou cliché du jour de leur mariage.
L’association « Aux marins » est créée en 2005 pour perpétuer le souvenir de ceux qui se sont sacrifiés pour leur pays.
Toutes les opérations sont réalisées par des bénévoles de l’association.
En liaison avec les familles, ils procèdent à la collecte des photographies et du récit de la vie du marin, qui feront l’objet d’une biographie détaillée réalisée par un rédacteur.
Les photos numérisées sont insérées entre deux feuilles de plexiglass et protégées par de la résine. Présentées sous forme de cadre, elles sont ensuite fixées sans hiérarchie ni priorité, de manière aléatoire, sur les murs des cryptes.
De même, les trois marines sont mêlées, les petites salles accueillant indifféremment les marins militaires ou civils.La position de chaque photo fait l’objet d’une indexation pour repérage dans la base de données sur le site internet.
Pour bon nombre de familles, privées d’un endroit où se recueillir dans le souvenir du disparu en mer, le cénotaphe permet de raviver et transmettre le souvenir.
Par les visages et les regards, les photographies constituent le grand album de la communauté des gens de mer morts pour la France, géré par l'Association « Aux marins ».




