Charles Maurice Bonnal
est né le 25 octobre 1908 à Angoulême (Charente (16))
Issu d'une famille comptant, du côté paternel, de nombreux officiers, petit-fils du général Bonnal ancien chef d'état-major et ancien directeur de l'Ecole de guerre, il naît au foyer d'Antonin Maurice Bonnal, lieutenant d'infanterie à l'époque de sa naissance et d'Alberte Puymoyen, à Angoulême (Charente) où réside sa famille maternelle. Durant la guerre de 14-18, son père, commandant au 63e RI est tué par l'ennemi à Roclincourt (Pas de Calais) le 25 septembre 1915. Les enfants sont adoptés par la Nation en Mars 1919. Sa mère et ses quatre fils viennent s'installer à Angoulême. Leur grand-père Puymoyen va veiller sur eux et se révèle un remarquable pédagogue. Charles, très bon élève, profite avec bonheur de la vaste culture gréco-latine de son aïeul et de sa bienveillance. Mais les ressources financières de sa mère s'amenuisent, elle gagne Paris pour travailler. La fratrie se retrouve pensionnaire au collège jésuite de Sarlat (Dordogne).
Il n'y avait eu, par le passé, aucun marin dans la famille qui comptait de nombreux militaires de l'armée de terre. Alors comment expliquer chez ce jeune garçon une vocation précoce de marin qui le pousse à entrer à L'Ecole navale? Ses lectures sans doute, celle des romans de Pierre Loti et leur évocation pleine d'exotisme mais aussi celles de Paul Chack et de Claude Farrère, son admiration pour Colbert, créateur de la Marine française.
Il renonce donc au shako de saint-cyrien et prépare le concours de l'Ecole navale à Saint-Geneviève à Versailles mais il en est exclu pour une bêtise de potache, la disparition d'un pot de confiture, on ne plaisantait pas avec la discipline dans ce prestigieux établissement. Il entre donc au Prytanée militaire de La Flèche puis à l'Ecole navale l'année de ses vingt ans. Ses deux années de formation théorique s'achèvent par la traditionnelle croisière sur le croiseur "Suffren", école d'application des enseignes de vaisseau, grade qu'il reçoit le 1er octobre 1930. En 1932, il embarque sur le torpilleur "Le Siroco" qui appartient à la "1re Flottille de torpilleurs" alors en réparation à Alger puis sur le contre-torpilleur "Gerfaut "de la "1ère Escadre, 5e Division légère", il est promu, la même année, enseigne de vaisseau de 1re classe. En 1933 il est affecté sur le croiseur "Tourville" de la"1re Escadre, 1re Division légère" opérationnelle en Méditerranée orientale. Le 28 avril 1934, il épouse Paulette Myrième Taupérias à Paris 13e. La même année, il entre à l'Ecole des officiers des transmissions. Puis il passe deux années à bord du contre-torpilleur "Le Malin" qui appartient à "l'Escadre de l'Atlantique" et qui, en 1936, effectue ses essais au large de Lorient sous le commandement du capitaine de frégate Lemonnier. Charles Bonnal met au point les transmissions sur ce bâtiment qui fait la fierté de la Marine nationale d'avant-guerre. Une fille, Martine, naît à son foyer en 1939.
Mais l'Europe résonne de rumeurs de guerre. D'un abord froid mais d'une grande sensibilité, d'une grande culture littéraire, il discute de la situation internationale avec ses frères, l'un, saint-cyrien, a choisi l'armée de l'air, l'autre la prêtrise et le dernier est aussi dans la marine. La guerre éclate, l'un de ses frères, lieutenant aviateur, est grièvement blessé. Sa mère commence à trembler pour ses quatre fils. Cette famille reçoit l'armistice de Montoire comme une gifle et ne comprend pas que Pétain puisse s'enfoncer dans la collaboration.
Au début de la guerre, Charles est affecté à la préfecture maritime de Toulon mais sur ses instances, il est désigné pour une mission de liaison auprès du groupe des armées du nord et rejoint Dunkerque. Dès l'offensive allemande, il s'engage, ramène son détachement en Angleterre et retourne sur la Somme où les circonstances sont désastreuses.sa conduite particulièrement brillante lui vaut deux citations et la Légion d'honneur.
"A accompli avec courage et sang-froid de nombreuses missions dangereuses sous de violents bombardements. "
La deuxième citation permet de mieux percevoir les dangers qu'il a courus et l'héroïsme de sa conduite:
"Chef d'état-major du secteur de Belgique puis du Calvados, officier d'une énergie et d'un courage remarquable, a fait preuve dans les missions qui lui ont été confiées dans les Flandres au cours de l'évacuation de Dunkerque puis à Ouistreham d'une initiative exceptionnelle. Encerclé, après avoir fait sauter ses canons à trente mètres de l'ennemi, a parcouru 600 km en régions occupées pour se mettre à la disposition du commandement."
Par arrêté ministériel du 30 août 1940, il est nommé chevalier de la Légion d'honneur. Breveté des transmissions, il est affecté après l'armistice, au service des transmissions de la Préfecture maritime de Toulon. Désigné, peu après, sur l'aviso "Commandant Rivière" à Bizerte où il est nommé second, il est surpris par le désarmement de la flottille, ramené en France, son bâtiment est saisi par les Allemands le 8 décembre 1942. De retour en métropole, il est placé en congés d'armistice en avril 1943. Sans perdre de temps, il regagne Paris où l'Union de l'électricité lui offre une situation mais il ne s'agit pour lui que d'une couverture provisoire, il se prépare en effet à rejoindre la France libre (FNFL). Il entre en contact à Paris avec la branche marine de l'Organisation.de Résistance des Armées dirigée par le commandant Pothuau et le capitaine De Pimodan.
Il met sur pied un efficace service de passage clandestin en Afrique du nord via l'Espagne. C'est au cours d'une tentative de franchissement de la frontière près d'Oron Sainte- Marie (Pyrénées atlantiques) en tentant de faire passer un groupe de parachutistes alliés évadés de l'autre côté des Pyrénées qu'il va être pris. A cette époque la frontière pyrénéenne est truffée de gens sans foi ni loi dont les convictions ne sont fondées que sur l'argent, donnant leur préférence au plus offrant. C'est ce qui arrive à Charles Bonnal en juillet 1943. Le contrebandier Del Estal à qui le passage de la frontière de Charles Bonnal et de son groupe est confié, n'est autre que le chauffeur de la Gestapo locale. Ce sinistre individu va ajouter la perversité à la trahison. Charles a, avant de partir, montré à sa famille la carte qu'elle devait recevoir si le passage était réussi. Del Estal l'envoie à la famille qui accueille la nouvelle avec la joie que l'on devine mais une lettre de Charles Bonnal vient très vite leur apprendre la triste réalité : il est à la prison du fort de Hâ à Bordeaux. Del Estal sera condamné à mort à la Libération. Charles Bonnal réclame à sa femme un colis et un missel. De Bordeaux il est transféré au camp de Royalieu à Compiègne, là où étaient parqués les résistants et les "terroristes" avant leur départ pour l'Allemagne. La famille tente, par l'intermédiaire d'une connaissance, d'organiser une évasion, c'est un échec. Quelques jours plus tard, elle apprend le transfert de Charles au camp de Buchenwald-Dora en Allemagne par un convoi du 2 décembre 1943 puis au camp de concentration et de Lublin-Mojdanek en Pologne occupée où il est fusillé par les nazis le 25 mars 1944 (en raison de l'approche des Russes ?). Ce n'est que le 25 août 1944, grâce au quotidien "l'Humanité" que la famille apprend la mort de Charles Bonnal alors que Paris libéré est en liesse.
"Le fils avait rejoint le père dans l'honneur pour être la deuxième génération sacrifiée des artisans de la liberté de la France."
Mais son frère et sa mère qui ne peuvent s'empêcher de garder l'espoir de le voir revenir vont à l'hôtel Lutétia où leurs regards croisent ceux de ces hommes et ces femmes qui reviennent de l'enfer. Mais ils doivent se résigner : Charles ne reviendra pas.
C'est à son plus jeune frère qui vouait à son aîné une admiration sans borne que nous devons l'essentiel de ce récit.
Charles Bonnal est promu capitaine de corvette à compter du 1er mars 1944.
- Légion d'Honneur (chev.)
- Croix de Guerre 39-45 avec palme (s)
- Médaille de la Résistance
- Citation à l'Ordre de l'Armée de Mer